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L'ANNÉE 2022 POUR...

Christian Petit: «L’heure sera, ces prochaines années, à la sobriété et à l’efficience»

Au fil de 2022, les Suisses, comme la plupart des Européens, ont pris conscience que l’énergie pouvait être chère, rare et même parfois insuffisante. Le CEO de Romande Energie résume cette année qui aura été fatale au mythe d’une électricité bon marché et garantie.

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Christian Petit

Christian Petit, CEO de Romande Energie.

Valentin Flauraud pour Le Temps
Clot Philippe

«En tant que directeur d’une entreprise de production, de distribution et de services énergétiques, je peux affirmer que cette année est un millésime sans précédent pour les professionnels de l’énergie en Suisse. 2022 a été marquée par une double accélération de la crise énergétique. Il y a d’abord eu cet été long, très sec et chaud, prolongé par un automne du même tonneau. Et en même temps, des phénomènes météorologiques très impressionnants ont sévi, notamment ces méga-feux en Europe et ces inondations en Floride et au Pakistan. 

Pourtant, dès février, la guerre en Ukraine a fait passer la crise climatique au second plan en aggravant la crise énergétique en cours. Les professionnels de l’énergie ont donc eu – et ont encore – deux crises majeures à gérer simultanément: celle due à la guerre et la crise climatique, dont les effets sont plus marqués que jamais. 

Nous avons beau être une industrie habituée, en tant qu’infrastructure critique, à gérer des crises, il faut admettre que 2022 nous a réservé beaucoup de premières historiques. A fin août, par exemple, le kWh était à plus de 1 franc sur le marché alors qu’il stagnait à 5 centimes quelques mois auparavant. Cela a perturbé tous les processus d’achat d’électricité et poussé le pouvoir politique à prendre des mesures inédites. 

Je considère que la crise énergétique et la crise climatique sont les deux faces d’une même pièce de monnaie: toutes les deux exigent de notre pays de sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. Certes, sur le court terme, les Suisses craignent surtout d’éventuelles pénuries de gaz ou d’électricité. Mais ils se font aussi – les jeunes surtout – beaucoup de souci à long terme pour l’évolution du climat. Car les effets à terme de la crise climatique seront d’un ordre bien plus grand que les effets de la guerre en Ukraine. 

En tant que professionnel de l’électricité, on peut certes se féliciter d’être du bon côté de l’histoire, car c’est une énergie qui peut être produite de manière non carbonée. Mais c’est surtout un sentiment de responsabilité qui prédomine, car nous sommes une partie de la solution pour permettre à la Suisse de sortir de ses dépendances énergétiques. 

Le défi demeure énorme: en 2050, en Suisse, il faudrait produire 50% d’électricité de plus qu’aujourd’hui, mais sans l’aide du nucléaire. Tout simplement impossible! Il faudra donc une forte réduction de consommation d’énergie par habitant. L’heure sera à la sobriété et à l’efficience. Cela demandera de changer nos habitudes. Notre monde va redécouvrir de nouvelles clés du bien-être. Après la Seconde Guerre mondiale, on avait donné ces clés à la société de consommation. Il va falloir réapprendre que la consommation de biens matériels n’est pas la principale source du bien-être, mais que ce sont les relations humaines, les échanges, les liens sociaux, la solidarité. On l’avait oublié, car ça fait cinquante ans qu’on tourne dans la roue de hamster des soldes, des Noëls commerciaux et des Black Friday. 

On me demande bien sûr souvent s’il y aura des coupures temporaires d’électricité cet hiver, ces fameux délestages sélectifs qui permettent d’éviter l’effondrement du réseau. C’est impossible d’être catégorique, car la situation évolue de semaine en semaine. Certains paramètres se sont améliorés ces derniers mois: une fin d’automne très douce a permis d’économiser de l’eau dans les barrages et il y a aussi eu passablement de précipitations après la sécheresse. Le bon niveau de remplissage actuel est rassurant. Mais pas la situation du nucléaire français, qui demeure critique. La France, un de nos fournisseurs d’électricité en hiver, se prépare carrément à des pénuries d’électricité pour janvier-février. Nous devons nous aussi être prêts à une telle situation. En fait, tout dépendra beaucoup des températures de cet hiver.» 

Par Clot Philippe publié le 31 décembre 2022 - 10:09