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Politique

Céline Vara, engagée par nature

Avocate, la vice-présidente neuchâteloise des Verts suisses Céline Vara, 34 ans, candidate aux fédérales cet automne, estime qu’il est urgent de placer la question environnementale au cœur du débat politique. Elle explique comment.

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La politicienne Céline Vara pose sur l’immense magnolia du jardin de l’espace Le Rêve, à Saint-Blaise (NE). Anoush Abrar

C’est une femme nature et fonceuse, qui dit les choses franchement, au point, reconnaît-elle, d’être parfois un peu trop «cash». «Mais il faut bien ça quand on est une femme romande dans un parti de gauche minoritaire», sourit Céline Vara. A 34 ans, l’avocate neuchâteloise aime les défis. Actuelle vice-présidente des Verts suisses, elle se lance dans la course aux élections fédérales cet automne.

- Quel est le point de départ de votre engagement politique?

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«Une autre croissance est possible: une croissance qualitative et non quantitative.» Anoush Abrar

- Céline Vara: Le vote sur l’interruption volontaire de grossesse, en 2002. J’avais 17 ans. Cela me semblait impensable qu’on puisse bafouer une liberté aussi fondamentale. J’ai pris la parole en classe pour défendre le droit à l’avortement et j’ai alors réalisé deux choses. D’abord que c’est en politique que les lois se votent. Ensuite que si on ne se révolte pas, personne ne le fait à notre place.

- Pourquoi avoir choisi le parti des Verts?
- Parce que c’est le seul qui me correspondait. C’est l’unique parti à pratiquer une vraie parité. C’est surtout le seul à faire vraiment de l’écologie. Aujourd’hui, la question environnementale doit être centrale et les autres sujets devraient graviter autour. Actuellement, nous observons l’inverse. Or nous savons que nos ressources sont limitées. Le système va forcément finir par s’écrouler.

- La solution à l’urgence climatique ne passe-t-elle pas par une décroissance radicale?
- Cette question n’est hélas pas assez souvent formulée. A force de nous vendre la croissance comme le saint Graal, les politiques ne peuvent pas parler de «décroissance» sans passer pour des rabat-joie. Nous avons beaucoup de peine à imaginer qu’une autre croissance est pourtant possible: une croissance qualitative et non quantitative. Croître comme nous l’avons fait jusque-là n’est plus envisageable. Nous devons revenir à davantage de simplicité, d’entraide et d’échanges.

- Comment, dès lors, jugez-vous la position des Vert’libéraux sur cette question de la croissance économique?
- Leur présence sur la scène politique est très positive. Plus il y a d’écologistes, mieux c’est, peu importe leur bord politique. Nos points de vue divergent sur le rôle de l’Etat. En tant que femme de gauche, je pense que le marché ne peut pas s’autoréguler sans intervention étatique. Nous traversons actuellement une crise climatique majeure qui touche des aspects aussi divers que l’emploi, la santé publique ou encore l’aménagement du territoire. Nous ne réussirons pas à faire face à pareil défi sans l’intervention de l’Etat.

- L’engagement politique est-il le seul moyen de faire bouger les choses?

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C’est sa mère, fleuriste, qui a éveillé la sensibilité de Céline Vara pour la nature. Elle la transmet aujourd’hui à sa fille, Mathilde, âgée de 2 ans. Anoush Abrar

- Non, ce n’est évidemment pas le seul, mais c’est certainement le meilleur. C’est d’ailleurs pour cette raison que je souhaite rejoindre le parlement à Berne. Parce que toutes les décisions fondamentales, que ce soit au sujet du glyphosate, des marchés ou de l’importation des denrées alimentaires, sont prises au niveau politique. Il est urgent de rééquilibrer ce parlement aujourd’hui très à droite. C’est le dernier moment pour bouger. Nous ne pouvons pas nous permettre de vivre quatre ans supplémentaires comme ceux qui viennent de s’écouler. Cela a été quatre ans d’immobilisme, voire, pire, de retours en arrière, comme avec le refus de la loi sur le CO2.

- A titre personnel, quelle est votre principale préoccupation environnementale?
- Le déclin de la biodiversité. En moins de vingt ans, plus de la moitié des insectes ont disparu, c’est dramatique. Les gens ne s’en rendent pas vraiment compte, mais globalement, cela signifie que notre alimentation est en péril. Sans pollinisateurs, il n’y a plus d’arbres, de fleurs, de bourgeons, de graines, ni de nourriture. C’est la fin de tout. Il est urgent de replanter des fleurs, des arbres, de construire des murs en pierre sèche et surtout de cesser d’asperger nos champs de pesticides. Tous les paysans de ce pays pourraient passer en agriculture biologique. La Suisse a réalisé 9 milliards d’excédents en 2017. Nous avons largement les moyens de soutenir cette transition.

- Croyez-vous à une écologie heureuse? Les gens l’associent souvent à beaucoup d’efforts 
et de renoncements…
- Bien sûr. La Suisse compte parmi les plus gros consommateurs d’antidépresseurs du monde. N’est-ce pas un signe que tout ne va pas si bien dans notre pays, malgré sa bonne santé économique? Il faut regarder nos enfants et se poser la question de ce que nous voulons pour eux. Qu’ils puissent courir dans des champs de fleurs sauvages, se promener en forêt et observer les abeilles? Ou posséder un iPhone à 10 ans?

- Comment percevez-vous ces récents mouvements des jeunes pour le climat?

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«Avant ma fille, j’étais en colère. Aujourd’hui, je suis révoltée.» Anoush Abrar

- Ils font un bien fou! En tant que politicienne verte, ce n’est pas toujours facile de batailler contre certains vieux clichés. Cet élan de fraîcheur et de jeunesse me met du baume au cœur.

- Vous avez une fille de 2 ans. 
La maternité a-t-elle changé votre regard?
- Complètement. Avant l’arrivée de Mathilde, j’étais en colère; aujourd’hui je suis révoltée. Pierre, mon compagnon, est très engagé lui aussi en faveur de l’environnement. Je veux que notre fille sache que ses parents se sont battus pour essayer de lui offrir un avenir meilleur.

- D’où vous vient cette sensibilité pour l’écologie?
- Ma maman est fleuriste. Il n’y a rien de plus beau, de plus utile, de plus éphémère qu’une fleur…

- On vous sent émue…
- Oui, cela m’émeut. Je viens d’une famille très modeste. Mon père était manutentionnaire. Mes parents ont divorcé quand j’avais 9 ou 10 ans. Nous n’avons pas eu grand-chose, mais nous avons eu de très belles choses. J’aimais regarder ma maman s’occuper des fleurs. Ce sont des moments qui m’ont marquée.

- Avez-vous d’autres souvenirs d’enfance dans la nature?
- Les pique-niques en forêt, les bouquets de fleurs sauvages, les escapades dans les Montagnes neuchâteloises. Aujourd’hui, je vois de plus en plus d’arbres malades, j’entends moins les oiseaux et les bourdons.

- Quel est votre coin de nature?
- La forêt. Avec mon compagnon, nous y emmenons notre fille dès qu’il fait beau. J’aime la lumière qui passe à travers les feuilles, l’odeur des sous-bois, le plaisir d’apercevoir des animaux. Ce sont de longs moments de marche où personne ne parle, où l’on se contente d’observer.

- Quelles sont vos petites incohérences en matière d’écologie?

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Céline Vara dans les bras de sa mère, Sylvie, au camping de Colombier (NE), durant l’été 1985. Anoush Abrar

- J’aime bien la viande. J’en mange peu, mais pour l’instant, j’ai de la peine à m’en passer. Je possède aussi une petite voiture. J’adore mettre la musique à fond et chanter en conduisant. Même si j’ai un abonnement général et que je prends les transports publics dès que possible.

- Dans quel environnement avez-vous grandi?
- J’ai passé mon enfance principalement à La Grande Béroche, avec ma sœur et mon frère cadets. Enfant, je vivais dehors, j’étais aventurière. Chaque année, nous descendions en train en Sicile, d’où vient mon père. Pendant la traversée en bateau, je me ruais sur le pont avec mon frère pour acheter des arancini, ces boules de riz frites à la viande. Un souvenir exquis.

- Vous êtes candidate aux élections fédérales cet automne. Pourquoi voter pour vous?
- Je peux surtout vous dire pourquoi voter pour un candidat vert! Parce que notre parti est le mieux équipé pour faire face aux enjeux qui nous attendent. Cela fait quarante ans que nous nous préparons. Pourquoi voter pour moi? Pour mes quinze ans d’expérience en politique, parce qu’en tant que vice-présidente des Verts suisses j’ai développé un bon réseau à Berne et que je suis dans le rythme des sessions. Mais surtout pour mon tempérament de battante et mon côté «cash». Un peu trop, parfois peut-être. Notre parti étant minoritaire, il faut se faire entendre deux fois plus. Et puis il est urgent que les choses bougent, nous n’avons plus le temps d’attendre!


Un grand merci à toute l’équipe 
de l’espace Le Rêve, à Saint-Blaise (NE), qui porte si bien son nom, pour son accueil chaleureux.

publié le 3 juin 2019 - 08:31, modifié 18 janvier 2021 - 21:04