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L'édito

Cauchemar en cuisine

L'annonce de la faillite du célèbre Pont de Brent a ébranlé le monde de la gastronomie romande. Dans le magazine disponible dès ce mercredi 15 novembre en kiosque, le responsable GaultMillau Knut Schwander nous rappele l'envers du décor du monde de la restauration et nous encourage à le faire vivre.

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Gérard Rabaey, fermeture du Pont de Brent

Gérard Rabaey, bouleversé par la fermeture du Pont de Brent.

Gabriel Monnet

Le monde de la gastronomie romande est sous le choc, moi aussi. Le célèbre Pont de Brent a fait faillite. Pourtant, Gérard Rabaey lui-même, qui avait fait de cette table l’une des meilleures de Suisse, l’affirme: le jeune couple qui était aux commandes depuis bientôt deux ans avait à la fois les compétences, le talent et un outil de travail performant.

Mais ça n’a pas suffi. Il y a quelques jours, la lettre du juge est arrivée, intimant l’ordre de fermeture immédiate du restaurant. Au menu: larmes, dettes, déception et colère. Un cocktail d’ingrédients amers que d’autres restaurateurs sont amenés à déguster.

En effet, comme au théâtre, dans un restaurant, il y a le côté scène et le côté coulisses. Pour le client, il y a l’argenterie qui brille, les nappages amidonnés, les bougies qui étincellent et les verres qui s’entrechoquent: santé! Sans oublier l’essentiel: des plats mis en scène avec doigté par un chef passionné qui connaît son art. Tout cela a son prix, certes, mais c’est magique.

De l’autre côté du rideau, on découvre la réalité de l’entrepreneur. Avec des charges qui explosent (électricité, prix des produits, charges salariales, nouvelles normes impliquant des travaux...), des clients fantômes qui «oublient» d’annuler leur réservation, le monde du travail de plus en plus volatil. Ajoutez à cela les suites (et les dettes) des années covid. Très vite, les factures s’amoncellent et le ciel s’assombrit.

Ça ne suffit pas? Alors ajoutons des primes d’assurance en hausse et notre pouvoir d’achat qui fond. Sans oublier le travail de sape des chaînes de fast-food qui dépensent des fortunes pour nous faire croire que leur malbouffe est plus cool qu’un repas dans un vrai resto...

Epicurien, toujours, et responsable du GaultMillau depuis vingt-quatre ans, je l’avoue, cette situation m’attriste. En même temps, sur notre site www.gaultmillau.ch, je suis heureux de contribuer à révéler chaque jour de nouvelles pépites gourmandes. Parce que, en même temps qu’il souffre, le monde de la restauration connaît une vitalité extraordinaire. Et parce que ces cafés, ces pintes, ces restaurants font partie de l’âme de nos villes et de nos villages, qu’ils sont des lieux de transmission de bonheur et d’émotion, de rencontre et de partage. Ne l’oublions pas. Alors évitons-leur le cauchemar en cuisine: plutôt que de dévorer dans une barquette polluante quelques burgers sans amour, allons au resto. Ils le valent bien. Et nous aussi.

Par Knut Schwander publié le 15 novembre 2023 - 09:45