Depuis le salon des Janka, la vue est à couper le souffle. Par les immenses baies vitrées, on peut admirer la vallée de la Surselva jusqu’aux pics des Brigelser Hörner. Carlo Janka ne s’émeut plus d’apprendre qu’une course après l’autre est annulée à cause des températures élevées: il a disputé sa dernière épreuve en janvier 2022, au Lauberhorn.
Désormais, celui que l’on surnommait Iceman semble plus heureux que jamais: debout à la fenêtre, il berce dans ses bras Lio, 6 mois. Sa première année au terme de sa carrière professionnelle, il l’a savourée: «C’était génial de passer du temps en famille, de vivre des journées sans devoir absolument faire ceci et cela. Ce n’est que lorsque c’est fini que tu comprends tout ce que signifie une vie de sportif de pointe.»
La sensation de grand vide, le Grison ne l’a pas éprouvée. Il a longtemps lutté contre des problèmes de santé, la fin de sa carrière était prévisible. Sa vie privée a pris, ces dernières années, la même cadence que celle qu’il connaissait sur les pistes: en novembre 2017, il rencontre Jenny, 34 ans, à l’automne 2019 ils se marient civilement et leur fille Ellie voit le jour. Projet de nouvelle demeure au printemps 2020, emménagement et mariage religieux à l’été 2021. Naissance du petit Lio au printemps 2022.
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Architecture harmonieuse
Leur maison sur quatre étages se dresse à Obersaxen, sur un terrain des parents de Carlo. «Nous nous sentons très bien ici, c’est devenu la maison de nos rêves», s’enthousiasme Jenny, qui est née à Saint-Moritz. Ses beaux-parents habitent de l’autre côté de la rue. Juste à côté se trouvent leur restaurant et la ravissante petite chapelle où Carlo et ses deux enfants ont été baptisés.
Les travaux de construction se sont déroulés en toute harmonie, le couple partage les mêmes goûts, les mêmes idées. «Il nous importait que ce soit lumineux et que ce soit réalisé pour l’essentiel en matériaux naturels», précise Jenny Janka. Sur la Toile, elle a déniché l’éclairage parfait pour le salon au plafond très haut. Lui a aidé les professionnels à poser le sol de mélèze. Le bois de la maison provient de diverses essences, une partie a même été récupérée dans une ancienne écurie.
La mezzanine au-dessus de la salle de séjour est le paradis des enfants. Dans sa robe de tulle, Ellie détaille ses jouets préférés: des flamants roses, un magasin de glaces en bois. A 3 ans, la petite est encore un brin timide au début, mais elle se détend vite. Elle n’a juste pas trop envie de se faire photographier. «Elle est un peu dans la phase du non», rassurent les parents en riant. En revanche, elle est une sœur affectueuse avec son rayonnant petit frère, Lio. «C’est incroyable de voir comment elle veille sur lui.» A quatre, la vie est nettement plus agitée, constate le couple: «Il est rare que les deux soient satisfaits en même temps, qu’ils dorment en même temps.»
De plus, récemment, il y a eu beaucoup d’animation à la maison: le couple a fondé l’entreprise Janka Coaching, désormais installée dans la proche commune d’Ilanz. Les premiers clients se sont annoncés. L’idée est d’assister les gens dans les domaines du sport, de la santé et de l’alimentation, de mettre au point pour eux des solutions individuelles. «Il nous importe de nous adresser à tout un chacun, même quand quelqu’un voudrait juste vivre un petit peu plus sainement», commente Carlo Janka, qui vient d’accomplir une formation de coach en épigénétique. «N’allez pas croire que seuls des sportifs de pointe peuvent venir chez moi.» Jenny est déjà coach en nutrition et devient désormais conseillère en santé holistique.
Les carottes du jardin
Dès le début de leur relation, vu leurs centres d’intérêt communs, tous deux avaient songé à une collaboration. Le champion olympique et champion du monde a eu l’occasion, au fil de ses multiples ennuis de santé, d’essayer des thérapies alternatives. S’habituer à l’inhabituel en faisait partie, au même titre qu’un mode de vie plus sain. Désormais, il entend transmettre ses expériences à d’autres.
Au sein de la famille, ils essaient également de mettre ces objectifs en pratique. L’été dernier déjà, ils mangeaient les carottes et les fraises du jardin. Avec les côtes de bettes, ils confectionnent des «capuns», qu’ils réservent au congélateur. Leur aventure professionnelle commune ne leur inspire aucune crainte, au contraire: «Nous aurons ainsi un dénominateur commun de plus, nous trouvons ça enrichissant.» Si bien qu’au bout d’une année passée sereinement ensemble 24 heures sur 24, ils n’ont jamais souhaité mettre un peu de distance. «Ça fonctionne tout simplement ainsi entre nous, on se dispute très rarement.» Il y a bien sûr quelques différences dans leurs façons de voir les choses: lorsque Jenny a une idée, elle entend la mettre en œuvre illico, tandis que Carlo se montre un peu plus flegmatique.
Avec ses maux de dos persistants, il doit absolument savoir faire preuve de patience. Car, actuellement, il a encore plus mal que naguère sur les skis. Depuis sa retraite, il n’a pratiquement plus fait de sport. Quelques exercices pour le dos ne lui feraient pas de mal. Au rez de leur maison, ils ont installé une salle de gym bien équipée, mais c’est plutôt Jenny qui l’utilise – quand les enfants lui en laissent le temps. Si bien que l’«agrès» le plus utilisé demeure le… jeu de fléchettes. Et tous deux s’y entendent pour viser le centre de la cible.