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«Les boîtes de masques, mais pas les masques en boîte»

La chronique de Thomas Wiesel, humoriste en télétravail.

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VALENTIN FLAURAUD / VFLPIX.COM

Le gouvernement suisse a rendu un truc obligatoire. Alors que, depuis le début de la crise, on nous avait habitués à un Conseil fédéral à qui il suffisait de «recommander fortement» quelque chose, ou même d’«encourager lorsque c’est possible», à la limite de «soupirer en levant les yeux au ciel» pour que la population s’exécute et obéisse, là, cette fois, pas de fameux compromis helvétique ou de responsabilité individuelle: paf, masques obligatoires dans les transports publics!

Faut dire que jusqu’à maintenant, les masques fortement recommandés, c’était comme les dentistes qui recommandent fortement de passer le fil dentaire tous les jours: 95% ne le faisaient pas, car c’est chiant. Ouais, le masque, c’est chiant. Il fait chaud, on respire plus difficilement, il faut les acheter, pas les oublier, pas les toucher, on ne voit pas les expressions des gens, on sent son haleine, c’est chiant. Maintenant que ça, c’est dit, le retour du virus, ce serait quand même autrement plus chiant. Non, les masques ne sont pas le remède miracle, mais si c’est une mesure qui permet d’accélérer la fin de ce mauvais rêve, le sacrifice me paraît acceptable.

Aux Etats-Unis, qui semblent être à la fois le foyer principal de l’épidémie et de la bêtise qu’elle engendre, des citoyens vont dans les parlements locaux hurler sur les politiciens qui veulent imposer le port du masque, leur disant que ça leur bloque leur oxygène et entrave leur liberté. Y a un truc qui bloque pas mal l’oxygène, c’est d’attraper la Covid-19, et un truc qui entrave pas mal la liberté, c’est d’être raccordé à un respirateur.

En Suisse, la plupart des nouveaux clusters semblent venir des boîtes de nuit, qui viennent de rouvrir. J’ai personnellement décidé de ne pas y mettre les pieds pour le moment. C’était d’autant plus facile que je n’y mettais pas les pieds avant la pandémie non plus. Ce que je préfère avec cette pandémie, c’est quand elle me permet de prendre des positions fortes sur des trucs que je n’aimais déjà pas. C’est hyper-facile. Par exemple: de jeunes Grisons sont revenus infectés d’un enterrement de vie de garçon à l’étranger? Interdisez les enterrements de vie de garçon, qui utilisent un mariage imminent comme excuse pour se comporter comme des sauvages machos alcoolisés et lubriques.

Vous avez lu l’étude qui dit que le virus se propage moins dans les théâtres que dans les boîtes de nuit? Je l’ai commandée en poster. D’après le médecin cantonal vaudois, il est capital de laisser les boîtes ouvertes, car sinon les jeunes se réuniraient ailleurs et s’infecteraient sans qu’on puisse effectuer le fameux traçage de contacts. Sauf que là, ils ont découvert que les gens avaient donné de fausses identités et de faux numéros pour entrer en boîte.

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Comment aurait-on pu prédire que les gens allaient mentir sur leur identité pour entrer en boîte? A part en observant n’importe quel jeune de 17 ans s’étant laissé pousser la moustache et qui a récupéré le permis de conduire provisoire de son frère pour pouvoir payer des shots à une fille de 16 ans qui s’est surmaquillée pour ressembler à la carte d’identité de sa cousine.

Mais désormais, les contrôles à l’entrée des boîtes seront plus stricts, promis. Nos remparts contre la deuxième vague seront donc les vigiles des boîtes de nuit. Cette crise n’en finit pas de révéler des emplois essentiels. S’ils se transforment en videurs de boîtes sélectes berlinoises et qu’ils ne font plus entrer personne, je m’engage à les applaudir à mon balcon tous les soirs jusqu’à la fin de l’année. D’autant que la police londonienne vient de publier un communiqué pour avertir que les personnes saoules ont plus de difficulté à respecter la distance. Ah tiens, je ne l’avais pas remarqué à chaque fois qu’un type bourré m’a parlé à 3 mm du visage! Je savais qu’un jour j’aurais une raison de santé publique pour les mépriser encore plus.

Les autorités sont contre le port du masque dans les boîtes de nuit. Pourtant, ça rajouterait nettement plus de piment à la surprise du lendemain matin, quand on réalise à côté de qui on se réveille. Et quand on a vraiment besoin d’eux, où sont toutes celles et tous ceux qui organisaient des soirées costumées sur le thème carnaval de Venise ou «Eyes Wide Shut» pour se la jouer raffiné et mystérieux avec des masques? Laissez votre place, soignants et employés de supermarchés, nos nouveaux héros sont les contrôleurs CFF, les videurs, Tom Cruise et Nicole Kidman! Et merde...

>> Lire la chronique précédente: «Comment devenir riche avec son téléphone»


Par Thomas Wiesel publié le 8 juillet 2020 - 08:12, modifié 18 janvier 2021 - 21:12