«C’est une façon de remercier mon corps»
Céline, 33 ans
«Au début, ce n’était pas facile d’imaginer me déshabiller devant un photographe. C’était une expérience inédite. Je n’irais jamais me baigner nue sur une plage du Cap d’Agde! Alors j’ai demandé à une amie de m’accompagner, on peut accepter de poser nue et être pudique et ce fut un beau partage. Le regard des autres sur mon corps ne me pose pas de problème, par contre, mon regard sur lui varie en fonction de mes humeurs. Parfois positif, parfois je m’en veux de le détester autant. Il n’est sans doute pas parfait – encore faudrait-il qu’un corps puisse l’être – mais il est en bonne santé et, surtout, il m’a permis de mettre au monde deux magnifiques enfants. Alors un projet comme celui que vous proposez, c’est un peu une façon pour moi de le remercier.»
«La nudité nous rend joyeux et libres»
Françoise et Martial, 63 et 58 ans
«Nos enfants seront peut-être surpris devant cette photo. Nous n’avons jamais fait de naturisme en famille. Nous n’aurions pas participé à ce projet l’un sans l’autre. Se dénuder, c’est quelque chose qui appartient à notre couple et s’apparente pour nous au bien-être. Il nous arrive de nous baigner nus au bord de la mer. La nudité est liée pour nous à une forme de liberté, de tolérance, bien loin du voyeurisme. Cela nous rend joyeux et libres. Nous acceptons aussi le fait que notre corps vieillit, qu’il évolue, même si nous avons à cœur de l’entretenir. Chacun a le corps qu’il a. On est tous faits pareils!»
«Marcher nu est un plaisir indescriptible»
Gérard, 68 ans
«Je suis bien avec mon corps et je suis naturiste. Pour moi, c’est être au plus proche de la nature. Je pratique la randonnée naturiste, quelquefois en France avec d’autres personnes. Dans le Jura suisse, je fais attention à ne pas tomber sur des promeneurs habillés. Etre nu en plein air, marcher, sentir le souffle du vent ou la chaleur du soleil sur le corps entier est un plaisir indescriptible. Cette photo a été prise en hiver, mais c’est bien sûr en été que je m’adonne le plus souvent à cette pratique. Mais, comme tout vrai naturiste qui se respecte, il n’y a aucune connotation sexuelle dans ma démarche. Si j’aime être en contact avec les éléments, ce n’est pas pour faire de l’exhibition. Après avoir randonné des heures, nu, dans la forêt, revenir vers ma voiture et devoir renfiler un pantalon, je vous l’avoue dans un sourire, c’est difficile!»
«J’ai fait la paix avec mon corps»
Claudine, dite La Puce, 58 ans
Claudine a tout de suite eu envie de participer à ce projet photographique quand «L’illustré» a posé la question: aimez-vous votre corps? «Aujourd’hui, je peux répondre oui et le montrer sans me préoccuper du regard des autres. D’ailleurs, j’aime bien aller de temps en temps dans un fitness à Lausanne qui propose un sauna naturiste à certaines heures. J’ai fait la paix avec mon corps, je ne lui en veux pas même s’il m’a fait souffrir: un pouce sectionné, une opération de la colonne vertébrale. J’essaie de l’entretenir un peu; je mesure 1m50, il ne s’agirait pas de mesurer la même chose en largeur! Il y a une chose qui reste dénudée chez moi toute l’année, ce sont mes pieds.»
«Plus je vieillis, plus je me sens bien»
Shadya, 44 ans
Poser nue, cʼest une façon pour Shadya de sʼaccepter telle quʼelle est. Elle pose dʼailleurs régulièrement comme modèle. Une sorte de thérapie par la photographie, dit-elle, qui lʼa immédiatement poussée à participer à ce projet de «Lʼillustré». «Ce nʼest pas parce quʼon est svelte, que les autres vous disent «Tu as une jolie silhouette» quʼon se sent forcément bien dans sa peau. Il faut du temps, il y a tout un chemin à faire pour accepter son corps. Mais plus je vieillis, plus je me sens bien avec lui, plus je peux apprécier de me voir nue dans le miroir. C'est le message que jʼaimerais faire passer: on peut correspondre aux normes de la société physiquement mais devoir lutter malgré tout pour sʼaccepter. Cʼest ce que jʼessaie aussi de transmettre via mon compte Instagram shadya_taj.»
«Je ne suis pas toujours gentille avec mon corps»
Matilda, 9 ans
«Je ne suis pas toujours gentille avec mon corps. Parfois je le trimbale comme un sac de pommes de terre perdu au milieu d’un champ. Parfois je le déteste, il me hante, me fait peur, me dégoûte, parfois je l’aime très fort. Mon corps est caractériel, il maigrit puis grossit en fonction des émotions, des relations, des doutes et des peurs. Il m’est arrivé parfois d’avoir envie qu’il meure. Petite, j’ai souffert de boulimie. C’est toujours une bataille. Il m’arrive avec lui d’être dans la superficialité quand j’ai besoin de me sentir aimée et rassurée. Je n’aime pas forcément être nue mais poser ainsi, dans cette forêt, m’a fait prendre conscience qu’il faut lâcher prise. Ne pas trop se poser de questions.»
«Me montrer nue m’a redonné confiance»
Linda, 43 ans
«Après 40 ans, le corps des femmes devient invisible, nous sommes malheureusement dans une société qui privilégie la jeunesse et la beauté. Oui, aujourd’hui, j’aime mon corps, même si cela n’a pas toujours été le cas à certaines périodes. Je n’avais jamais posé nue, je n’ai jamais fréquenté de lieux naturistes, c’est à peine si j’ose me mettre en bikini sur une plage. Mais exposer mon corps dans ce projet artistique fait partie de ce combat quotidien pour faire exister mon corps, le corps des femmes qui n’ont plus 20 ans. Pour lutter contre leur effacement. Me montrer nue m’a redonné confiance en moi.»
«Je me suis rencontrée, je me suis aimée»
Nathalie, 49 ans
Nathalie a longtemps eu une image négative de son corps. Un manque de confiance en elle-même. Et puis, sur son chemin, elle a rencontré la danse, le cabaret, le yoga. «J’ai pu prendre contact avec cette féminité à l’intérieur de moi, je me suis rencontrée, je me suis aimée, j’ai appris à rayonner, je me sens bien avec les vibrations de mon corps, je suis fière du chemin parcouru et je n’ai pas peur du regard des autres.» Ce qui l’a motivée à poser ainsi dans le plus simple appareil, c’est bien sûr la démarche esthétique et la sensibilité du photographe, mais avant tout l’envie de passer un message: «Il faut oser, oser être vous, oser briller, vous révéler. La vie est courte.» On est bien plus que les pensées limitantes qui nous maintiennent dans un carcan, ajoute encore Nathalie. «La vie est faite de magie.»
«Mon corps est devenu un allié»
Beatrix, 58 ans
«Je n’ai pas de problème avec la nudité, mon père avait vécu en Finlande, nous allions au sauna en famille. Mais, durant toute ma vie, le rapport à mon corps a été fluctuant; tantôt je me sentais physiquement dévalorisée, tantôt je servais de faire-valoir en public. Pour toutes sortes de raisons, j’ai commencé un gros travail sur moi et j’en suis arrivée à m’aimer de plus en plus. Aujourd’hui, je m’accepte complètement telle que je suis, avec mes cheveux blancs, mes petites rides, mes plis. Mon compagnon dit de moi que je suis la plus belle femme du monde et c’est exactement ainsi que je me sens à l’heure actuelle! Tel un papillon qui s’est extrait de sa chrysalide. Et qui a envie de s’affranchir du diktat de la publicité, de cette beauté standardisée qu’on nous propose.»
«Je m’accepte tel que je suis»
Salvador, 58 ans
«J’ai un rapport très naturel avec la nudité, je suis un adepte du naturisme et je le pratique dès que c’est possible, même si c’est plus difficile en Suisse romande. La mentalité est plus ouverte en Suisse alémanique, on trouve des lieux pour se baigner nu à Zurich, par exemple le long de la Limmat. Dans le canton de Vaud, on se retrouve parfois entre naturistes sur une plage au bord du Léman, mais nous sommes souvent chassés par la police. Personnellement, je me suis toujours senti bien avec et dans mon corps. J’ai perdu 40 kilos, mais, même quand j’en pesais 160, j’osais me montrer nu. Je sais que je suis toujours loin d’être mince, mais je m’accepte tel que je suis.»
«Montrer mon corps est une revanche»
Martine, 42 ans
«Mon lien à mon corps est compliqué. Jʼai subi un viol à lʼadolescence et des douleurs incessantes durant vingt ans avant quʼon ne me diagnostique une endométriose. De ce fait, la douleur est devenue, très jeune, mon quotidien avec cette impression de n’avoir aucun contrôle sur ce corps. Le tatouer fait partie dʼun processus pour me réapproprier mon corps, lʼapprivoiser, raconter une histoire avec ma peau. Je sais que je ne suis pas une bombe, mais je ne suis pas moche non plus. Le montrer aujourd’hui, cʼest aussi une forme de revanche. Je suis toujours debout malgré la maladie. Je pose régulièrement nue comme modèle. Mon corps devient alors un livre que l’on peut lire si je donne la grille secrète, comme dans les grimoires!»
«C’est une forme de coming out»
Laure, 46 ans
«J’ai choisi de poser nue parce que je connais et admire le travail de Guillaume Perret, mais, surtout, parce que je suis à un moment charnière de ma vie où le rapport à mon corps a changé depuis que j’ai découvert mon homosexualité. Un véritable tsunami dans ma vie de femme hétéro, mère de deux adolescentes au sein d’une famille recomposée. Ça bouscule et réaligne tous mes repères. Je n’ai pas toujours su aimer mon corps et j’ai été dure avec lui, exigeante, peu sensible aux signaux qu’il m’envoyait. C’est en prenant le temps de l’écouter que mon homosexualité est devenue une évidence. Désormais, je suis en paix avec mon corps, je le comprends mieux, j’apprends à respecter son rythme. Et, petit à petit, j’accepte d’avoir passé une partie de ma vie en ignorant mon identité lesbienne. Cette photo est une forme de coming out.»
«J’aimerais en faire une oeuvre d’art»
Corentin, 29 ans
Poser nu, c’était un défi pour lui. Il ne l’avait jamais fait et ne le refera sans doute jamais. Le jeune homme avoue avoir un rapport fluctuant avec son corps, mais le fait de se tatouer, depuis l’âge de 19 ans, et d’avoir le projet de recouvrir au fil des ans toutes les parties non visibles de son corps lui a donné envie de se laisser photographier. «Je suis passionné par la culture japonaise, je me suis par exemple fait tatouer des yeux sur mes pieds en hommage au théâtre kabuki. Je suis habitué au regard des autres; avant, on me regardait parce que je suis très grand. Ce n’est pas un problème. Mon but est de faire de mon corps une œuvre d’art, même si cela peut paraître un peu présomptueux. Ce qui m’intéresse, c’est que, contrairement à une toile où le dessin ne bouge plus, mes tatouages vont évoluer à mesure que mon corps, ma peau vieilliront.»
«Je m'accepte comme je suis»
Denise, 88 ans
Denise a gardé des souvenirs éblouis de ses années de naturisme en famille. Le sentiment d’être comme à la création du monde, dans la nature et le plus simple appareil. Une liberté qu’elle revendique aussi pour les corps plus âgés. «On doit souvent se déshabiller par obligation à l’hôpital, quand les corps sont malades; moi, j’ai envie de faire passer qu’il faut s’accepter à tout âge. Dans un tableau célèbre de Klimt montrant une fille, une mère et une grand-mère, on a souvent enlevé la grand-mère sur les reproductions. Poser nue, ici, c’est ma façon de remettre la grand-mère dans le tableau. Je n’ai pas honte de mon corps, j’ai la chance qu’il ne me fasse pas souffrir, je crois qu’il est en lien aussi avec mon moral toujours au beau fixe. Je l’observe vieillir et je l’accepte comme il est.»