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Climat

Bertrand Piccard: «Cette COP26 nous pousse à agir nous-mêmes»

C’est devenu un cliché: chaque conférence sur le climat serait un échec doublé d’une farce. Bertrand Piccard, qui a participé à la COP26 de Glasgow avec son équipe de la Fondation Solar Impulse, préfère voir dans ces innombrables discussions officielles ou informelles comment on peut agir autrement.

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COP26, Glasgow. Bertrand Piccard de la fondation Solar Impulse présente son discours,

Bertrand Piccard a multiplié les rencontres de haut niveau à Glasgow et exposé la démarche de sa Fondation Solar Impulse.

Peter Sandground

COP26: succès ou échec?
 

Le changement de dernière minute demandé par l’Inde et la Chine a transformé ce qui était un indéniable succès en un résultat mitigé. Mais je ne parlerai pas d’échec pour les raisons suivantes: d’abord, dans ces COP, il se passe beaucoup plus de choses que la seule recherche d’un accord final unanime. Certains pays créent des coalitions entre eux et laissent derrière eux les pays qui s’opposent à tout. On s’associe ainsi pour lutter contre la déforestation, pour réduire les émissions de méthane ou encore financer des énergies renouvelables. C’est extrêmement encourageant de voir toutes ces coalitions de pays plus que jamais déterminés à aller plus loin et ensemble.

Autre aspect positif, c’est que cette COP26 a, pour la première fois dans un traité international de l’ONU, clairement désigné les énergies fossiles comme responsables du changement climatique. Jusque-là, les pays les plus polluants avaient toujours réussi à s’opposer à cette formulation sans équivoque.

Bien sûr, il y a des regrets, dont le principal est ce rejet in extremis de l’interdiction du charbon. Je me demande d’ailleurs s’il n’aurait pas mieux valu faire capoter la résolution finale en disant que ce changement n’était pas acceptable. Cela aurait peut-être produit un électrochoc plus fécond.

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Cela dit, ces conférences climatiques ont une autre immense qualité: celle de refaire parler à une échelle mondiale des enjeux écologiques. Elles sont très complémentaires des manifestations écologistes. Ces conférences et ces manifestations donnent aux gouvernements une légitimité pour agir. Grâce à elles, il devient par exemple plus délicat pour un parlement national de désavouer un gouvernement qui prend des mesures climatiques courageuses.
 

«Notre pays possède le parc automobile le plus polluant en moyenne par habitant. Alors balayons déjà devant notre porte!»

 

Quels progrès concrets à Glasgow?

Aboutir à un accord sur la nécessité impérieuse d’agir, c’est déjà important. Car, jusque-là, ce n’était pas le cas. La désignation de la responsabilité des énergies fossiles, c’est un acquis fondamental. Car dans le droit international, quand on se met d’accord sur quelque chose, on ne peut pas revenir en arrière. Et ce qui est également très important, ce sont les aides que les pays s’accordent pour atteindre leur but. Les pays en voie de développement sont touchés par le changement climatique et sont d’accord d’agir à condition qu’on les aide. Certes, ces aides sont encore insuffisantes. Mais on leur a accordé quand même 85 milliards de dollars (au lieu des 100 milliards qui avaient été décidés à Paris en 2015) pour financer leur adaptation au changement climatique et leur transition énergétique. Ce n’est déjà pas si mal.

 

Les champions et les cancres

Il y a des entités qui m’ont enthousiasmé à Glasgow, notamment des associations de villes durables ou des coalitions d’entreprises pour faire baisser le prix des technologies propres.
Il y a en revanche des pays qui résistent en craignant que les engagements ambitieux ne soient préjudiciables à leur développement économique. Ces mauvais élèves doivent comprendre que c’est le contraire qui est vrai.

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Nous avons commencé à Glasgow par remettre à la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, un document recensant 230 solutions technologiques adaptées à l’Ecosse. Nous sommes en effet en train de préparer un tel Guide adapté pour chaque pays. Nous souhaitons que chacun d’eux envoie un représentant à la Fondation Solar Impulse pour nous aider à sélectionner les technologies les plus pertinentes.

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Au chapitre des déceptions, demeure ce paradoxe de ces pays qui peinent à balayer devant leur porte avant de critiquer les autres. Ceux qui sont horrifiés du changement de dernière minute voulu par l’Inde et la Chine sur le renoncement officiel au charbon oublient pour certains que notre pays possède le parc automobile le plus polluant en moyenne par habitant et que la population a rejeté une loi CO2 en référendum. Si le Conseil fédéral édictait une limite drastique sur les émissions de CO2 pour les automobiles, cela déclencherait un concert de hurlements. Pourquoi en serait-il autrement pour l’Inde?

L’anecdote de Piccard à Glasgow

J’ai rencontré les ministres d’une vingtaine de pays participants. Parmi eux, le vice-ministre russe de l’Energie. Je lui ai dit que je n’étais pas venu lui dire de produire moins de gaz, ce qui aurait été vain, mais pour lui présenter toutes les solutions qui peuvent rendre la Russie plus efficiente dans sa propre consommation d’énergie. Il m’a répondu que j’avais raison et ajouté en riant que ces économies intérieures permettraient d’exporter plus de gaz.

Y a-t-il un avant et un après COP26?

A chaque COP, on dit que c’est la dernière chance et qu’on l’a généralement ratée. Mais, en fait, chacune de ces conférences engendre une amélioration. Le problème actuel, c’est que la situation réelle reste mauvaise. Le monde continue à consommer massivement des énergies fossiles et donc à émettre massivement des gaz à effet de serre. Ce n’est pourtant pas une raison de baisser les bras. Ce qui manque encore, c’est une mise en œuvre à large échelle des engagements pris dans ces conférences. Glasgow était une COP de mise en application de l’Accord de Paris. Toutes les suivantes serviront à améliorer ces mises en œuvre. Il faut y croire.

Nous sommes chacun notre propre COP

Le défi climatique ne se joue pas uniquement au niveau des relations internationales, mais aussi au niveau individuel. Les engagements politiques, les accords internationaux et les technologies vertes ne suffiront pas à tout résoudre. Il faut aussi un changement de mentalité. Développons tous un même respect pour l’énergie, pour les ressources naturelles, pour l’eau, pour la biodiversité. Les gens ne se rendent pas encore assez compte que les serveurs informatiques sont responsables de la même quantité d’émissions de gaz à effet de serre que l’aviation! Chaque fois qu’on envoie un mail, chaque fois qu’on like un message sur un réseau social, on consomme de l’électricité. Il faudrait mieux informer les utilisateurs de l’informatique. Leur faire savoir par exemple qu’ils consomment quatre fois moins d’énergie en utilisant un appareil relié à du wi-fi plutôt qu’au réseau de téléphonie mobile. Sachons aussi que les serveurs informatiques gaspillent de l’électricité pour conserver les e-mails déplacés dans la corbeille mais pas effacés de manière définitive. Et sachons encore qu’une pièce jointe de 1 méga consomme l’équivalent d’une ampoule de 60 watts allumée pendant vingt-cinq minutes. En termes de recherche d’efficience, il faut aussi savoir qu’on consomme 40% de plus d’énergie pour (sur)chauffer un appartement à 25°C plutôt qu’à 20°C.

La COP27 en 2022 à Charm el-Cheikh

Dans une année, en Egypte, j’espère que la formulation de l’accord final sera bien plus claire. Il s’agira par exemple de demander la suppression du recours au charbon et non plus seulement de le diminuer, ou encore de supprimer toutes les subventions aux énergies fossiles.

Le rôle de la Fondation Solar Impulse

Nous avons eu l’impression d’être utiles en Ecosse. Nous sommes dans la phase d’implémentation des solutions avec cette démarche de constituer un programme pour chaque pays. La fondation est désormais un acteur connu et reconnu par les gouvernements. Nous avons pu le vérifier en obtenant tous ces entretiens avec des ministres d’une vingtaine de pays. Quand les pays auront reçu notre sélection de solutions personnalisées, il faudra les aider à les mettre en œuvre, les aider à trouver des investisseurs, notamment. Nous ne faisons pas partie d’une tendance politique. Nous sommes «réalistes», d’où le titre de mon nouveau livre. Nous sommes orientés solutions. Et cela plaît aux dirigeants politiques que nous rencontrons. 

>> Son dernier livre «Réaliste – Soyons logiques autant qu’écologiques» est publié chez Stock.

Le livre de Bertrand Piccard: "réaliste"
DR
Par Philippe Clot publié le 16 novembre 2021 - 11:35