Les festivals de l’été sont annulés. La nouvelle était dans l’air depuis des semaines, depuis que d’autres trucs bien plus meurtriers sont dans l’air aussi, en fait.
24 heures titrait notamment il y a deux semaines: «Paléo veut être interdit en 2020.» Non, le festival n’a pas viré sado-maso du jour au lendemain («oh oui, mets du sel sur mon annulation»), même si sa persistance à programmer David Guetta une année sur deux pourrait soulever le doute. Les festivals attendaient une interdiction par le gouvernement, qui leur aurait permis de rompre les contrats pour cas de force majeure. Montreux et Paléo ont dû finalement prendre les devants sans ça.
C’est aussi un coup dur pour l’industrie des churros et des sandwichs au magret. Et si les Romands veulent déguster une tartine de 1 mètre de long cet été, ils devront le faire dans leur jardin. Le mot «bamboulé» sera prononcé 24 fois moins que lors d’une année normale, selon l’Office fédéral de la statistique. Quant aux hippies du camping des festivals, ils n’auront pas un nouveau bracelet en tissu à ajouter aux 12 autres qui occupent déjà leurs poignets depuis 2007 et hébergent probablement les souches des quatre prochains coronavirus.
Même si je ne suis personnellement pas du tout un adepte de ces festivals, trop de monde, trop de bruit, trop de boue, trop de trajet pour rentrer à la maison, trop de tout pour un fragile comme moi qui préfère les soirées Netflix/jeux de société, je ne me réjouis pas de leur annulation. Déjà, pendant les festivals, comme tout le monde y est, les autres endroits sont particulièrement calmes, il y a moins besoin de se battre pour des places en terrasse et attendre vingt minutes au bar pour passer commande (peut-être que si j’osais dire «s’il vous plaît» au-dessus d’un volume de 12 dB, ça aiderait, mais passons).
Ces festivals sont pour beaucoup une parenthèse bienvenue dans l’année, pour les bénévoles qui posent une semaine de vacances pour monter la grande scène et dormir dessous (probablement dans le top 2 des vacances de mes cauchemars, mais on n’est pas tous pareils), pour les familles qui se retrouvent devant la grande scène avec les gamins sur les épaules, qui ont exceptionnellement le droit de se coucher tard, en passant par les employés de bureau qui s’organisent pour partir tôt du boulot et ne pas rater le début des concerts, et bien sûr les artistes, notamment suisses, qui y voient une consécration et une rentrée d’argent bienvenue. Je trouve beau que notre pays d’ordinaire si sérieux et bosseur se laisse gagner par le virus de la fête chaque année pendant quelques jours, dans un mélange de générations, de classes sociales et d’origines. Un mélange qu’on appelle désormais «facteur de risque» et qui fait suer les virologues.
Avec mes amis Sébastien Corthésy et Yoann Provenzano, j’avais tenté de deviner le programme du Paléo. Au final, il semblerait que Daniel Rossellat va copier-coller la programmation de 2020 sur 2021. Voilà qui prédit une année tranquille pour lui. Le boulot de l’année prochaine est déjà fait! J’imagine que ça ne le consolera qu’à moitié.
D’autant que certaines prévisions, comme celle sortie cette semaine de chercheurs de Harvard, préconisent des mesures de distanciation sociale de manière intermittente jusqu’en 2022. Mon manager s’est arrêté de respirer rien qu’en lisant cette phrase. Comme beaucoup d’artistes, mon agenda jusqu’à septembre ressemble désormais au programme écologique du PLR avant 2019: page blanche sur page blanche.
Bon, ben je n’ai plus le choix, je vais me mettre à bosser sur un vaccin, ou retrouver mon diplôme de comptable dans un tiroir. Parce que humoriste, visiblement, ce n’est pas pour demain. Bamboulé!