Ce Français de 55 ans se passionne depuis plus de vingt ans pour tout ce qui touche au mystère de la conscience, du monde invisible, des perceptions extrasensorielles. Stéphane Allix a rencontré durant des années des chercheurs dans le monde entier. Il a fondé l’INREES (Institut de recherche sur les expériences extraordinaires) et est encore l’auteur de plusieurs best-sellers comme «Le test», où, après avoir caché différents objets dans le cercueil de son père, il interrogera des médiums pour tester leur capacité à pouvoir les nommer.
- Qu’est-ce que vous voulez démontrer avec ce nouveau livre?
- Stéphane Allix: Des centaines de milliers de personnes qui ne souffrent d’aucune psychopathologie vivent depuis des décennies ces expériences mystérieuses inexplicables. Souvent sans oser en parler de peur d’être considérés comme anormales. Or ces expériences sont assez communes dans les cabinets de psy. Ce qui est nouveau, c’est que ces thérapeutes assument le fait d’en parler.
- La réalité de la vie après la mort, les psys que vous avez rencontrés l’attestent?
- Ils ne sont pas là pour dire si c’est réel ou pas. Mais pour écouter et accompagner, créer un espace où on n’a pas besoin de décider tout de suite. Ce qui compte pour eux, c’est de voir si l’expérience est bien vécue par la personne, pourquoi elle en parle, ce qui pourrait l’expliquer et c’est dans cette écoute longue qu’on peut voir s’il y a présence ou absence d’une pathologie psychique.
- Une psy qui vient de perdre son père évoque justement ce petit garçon qui le voit à côté d’elle durant la séance et lui donne des infos sur un objet qui se trouve dans l’appartement du défunt. Ni elle ni l’enfant n’étaient au courant et, vérification faite, l’objet a été trouvé…
- Il y a un nombre considérable d’expériences de ce genre qui ne rentrent pas dans les cases de la psychologie ordinaire. Evelyne Josse, par exemple, est une psychologue très rationnelle qui au détour d’une consultation a recueilli un témoignage étrange, puis un deuxième et le côté inexplicable de certaines expériences l’a poussée à s’intéresser à ces sujets. Notamment en utilisant l’hypnose. Si l’expérience extraordinaire que va vivre son patient – prenons l’exemple d’un contact avec un défunt – n’est pas un danger pour lui, si elle peut exclure une maladie psychique, ce peut-être un moyen thérapeutique. On veut toujours avoir une compréhension définitive des phénomènes; en exigeant cela, on s’interdit de les considérer comme des outils importants. Une maman qui a perdu son fils, qui dit à sa psy l’avoir vu ou pouvoir entrer dans une communication avec lui, indépendamment de sa réalité, est-ce que ça peut l’aider ou pas? Ce dont témoignent tous ces psys, c’est que cela aide vraiment et surtout que ces patients ne souffrent d’aucune pathologie mentale.
- Vous incitez les thérapeutes à mettre le hashtag «J’accueille l’extraordinaire» sur leur plaque ou leur site web…
- Oui, pour indiquer à la personne qu’il y a un espace d’écoute même si le psy n’est pas un expert de l’extraordinaire. C’est nécessaire, car ces expériences-là se produisent, existent. On ne peut pas les balayer d’un revers de main en disant: «Non, non, tout ça, ce sont des bêtises!»
- Démontrer scientifiquement la réalité d’une possible survivance de la conscience après la mort, c’est la prochaine étape?
- Les expériences extraordinaires sont des anomalies dans les modèles scientifiques. Il y a des hypothèses parfois contradictoires, audacieuses, mais aucune ne peut être démontrée scientifiquement. J’interroge depuis vingt ans des chercheurs dans le monde entier qui font tous le même constat: la réalité d’un certain nombre de phénomènes est incontestable, mais on est incapables de modéliser une théorie qui l’explique. Cela prendra des années, des décennies, mais c’est vrai que nous sommes au cœur de ce que les philosophes appellent un changement de paradigme. Les psys sont des pionniers qui collectent des infos à travers l’écoute de leurs patients. Cela permet de dégager des modèles, des constances de façon plus affinée. C’est en explorant ce qu’on appelle ces anomalies qu’on va peut-être mettre en évidence des éléments qui, dans une approche transdisciplinaire, permettront un jour de mieux comprendre ce qu’est l’esprit humain et de quoi il est capable.
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- Télépathie, clairvoyance, précognition, psychokinèse ont été testées et validées par des milliers d’expériences apprend-on de la bouche d’un scientifique dans votre livre. Pourquoi ces résultats ne sont-ils pas repris à plus large échelle?
- Malgré la démonstration scientifique de ces perceptions extrasensorielles, comme on ne sait pas de quoi il en retourne, on se bloque vis-à-vis de ces phénomènes. On ne sait pas comment ça marche, comment un esprit est capable d’être en résonance avec un autre esprit même sur des distances colossales, malgré le fait que cela a été prouvé magistralement en laboratoire. On observe la réalité des phénomènes sans être capables d’en expliquer le mécanisme et c’est insupportable dans une société basée sur le paradigme du matérialisme.
- Que faudrait-il pour aller plus loin?
- Les neurosciences, la physique, la biologie mais aussi les sociologues, les psys ont intérêt à travailler ces questions dans leur champ d’expertise. Seul un travail transdisciplinaire permettra lentement mais sûrement d’avancer. C’est lent et frustrant. Une des questions essentielles que toute l’humanité se pose, «Y a-t-il une vie après la mort?», ne fait l’objet que de très peu de programmes de recherche.
- Que répondez-vous à ceux qui vous disent que vous êtes dans le domaine de la croyance?
- L’exigence de sérieux est primordiale pour le journaliste que je suis. Il faut se garder de s’embarquer dans des croyances même avec une dimension spirituelle sympa. Mais on ne doit pas non plus rester bloqués dans des modèles. Thomas Kuhn, philosophe des sciences, explique que les nouvelles vérités scientifiques mettent beaucoup de temps à s’imposer. Au départ, elles sont vigoureusement combattues par une majorité, puis progressivement cette majorité se réduit et il y a un moment de bascule où la nouvelle réalité est acceptée. Max Planck, un des fondateurs de la mécanique quantique, disait que les vérités scientifiques ne triomphent pas parce qu’elles sont justes, mais parce que leurs opposants finissent par mourir.
- Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l’extraordinaire?
- A cause de la mort de mon frère. Ça a réveillé toutes les grandes questions existentielles qu’on peut se poser adolescent. Et qu’on met sous le tapis, car on se lance dans la vie active. J’étais reporter de guerre et photographe, ce qui accentuait encore cette coupure, car j’étais dans l’urgence avec des gens qui se battaient pour défendre leur liberté, les grandes questions philosophiques me semblaient bien loin. Mais la mort de mon frère m’a amené comme journaliste à questionner la réalité d’une façon cartésienne et rationnelle. Donc à aller voir des médecins, des neuroscientifiques, et j’ai découvert que la question de la survie de la conscience après la mort n’était pas du tout une hypothèse farfelue mais était examinée par nombre de chercheurs.
- Votre best-seller «Le test» a chamboulé votre vie, de quoi s’agissait-il?
- Quand on me raconte une expérience extraordinaire avec un médium, ne l’ayant pas vécue moi-même, j’ai toujours un micro-doute dans mon esprit. La personne a peut-être mal interprété quelque chose ou ne se rendait pas compte d’avoir donné des infos au médium. Avec la mort de mon père, j’avais la possibilité de maîtriser les paramètres d’une expérience. J’ai caché plusieurs objets dans son cercueil sans en parler à qui que ce soit et j’étais absolument certain, quand je suis allé voir plusieurs médiums, quelques mois après, qu’il n’y avait aucun être humain vivant en dehors de moi qui connaissait ces objets. Le test a été concluant, me prouvant que toutes les infos données par les médiums ne pouvaient provenir de leur imagination ou d’une forme de mentalisme, mais qu’il y avait autre chose à l’œuvre. Je ne sais pas ce qui se passe après la mort ni où on va, ce que devient notre sentiment d’individu, de personnalité, mais pour moi, il est quasiment certain qu’une forme de ce qui nous habite continue son existence.
- Beaucoup de jeunes s’intéressent à l’ésotérisme. Que pensez-vous de la pratique du Ouija, ce jeu où l’on convoque un esprit autour d’une table?
- Je le déconseille. La déconsidération de la dimension invisible dans notre société fait qu’on y croit sans vraiment y croire, alors, effectivement, on peut jouer à contacter des esprits. C’est un peu comme si vous alliez à la gare du Nord en maillot de bain à 2 heures du matin. Il y a peut-être des gens pas très recommandables qui vont venir vous embêter, voire vous mettre en danger. Le monde des esprits est un monde de forces, d’intelligences qui nous est inconnu, qui parfois interagit avec les gens. Le professeur Tobie Nathan, spécialiste de l’ethnopsychiatrie, le dit: que ça existe ou pas, il se passe quand même quelque chose. Et cela peut avoir des conséquences déstabilisantes.
- Difficile de garder les pieds sur terre néanmoins quand on évoque les témoignages de gens qui disent avoir été enlevés par des extraterrestres?
- Ce qui m’importe, c’est d’expliquer le travail des autres. La rencontre avec John Mack, professeur de psychiatrie à Harvard, a été déterminante pour moi. Il est décédé en 2004, mais j’ai pu travailler pendant un an avec lui avant sa mort. Cet éminent psychiatre s’est intéressé au truc le plus farfelu qui existe, des gens disant avoir été enlevés par des extraterrestres. Il l’a fait d’une façon clinique et extrêmement rationnelle. Il s’est dit: «Je suis psychiatre, je sais ce que c’est quelqu’un de psychotique, de délirant, mais, quand je rencontre ces gens, je ne coche aucune de ces cases. Je ne sais pas ce qu’ils ont vécu mais ils m’en parlent comme quelque chose de réel. Je ne peux pas l’expliquer, c’est ça qui est intéressant.» On ne peut pas dire: «Non, non, c’est n’importe quoi.» Quand un des plus éminents psychiatres américains avec quarante ans d’expérience derrière lui vous dit qu’on n’est pas, avec ces gens, dans la psychose ou le délire, moi, je le crois. Et il n’est pas le seul à le penser, d’autres psys le rejoignent.
- Vous recevez beaucoup de témoignages de gens disant avoir vécu des choses étranges?
- Enormément. C’est incroyable le nombre de personnes qui ont vécu un phénomène mystérieux. Je vous propose de faire ce test lors d’une soirée entre amis. Demandez si l’un d’entre eux a déjà vécu quelque chose d’étrange? Vous verrez à votre grande surprise que des gens que vous ne suspecteriez pas le moins du monde d’avoir vécu un truc bizarre vont se mettre à vous raconter quelque chose!