Pour la première fois de son histoire, le cirque Knie est dirigé par une femme. Pour imprimer sa griffe, Géraldine Knie, 41 ans, a bousculé la tradition. Naguère incontournables, les éléphants se reposent au Kinderzoo, à Rapperswil (SG). «Ce spectacle, c’est du jamais-vu!» insiste la patronne. Vrai. Le programme est vrombissant et tendre à la fois, parfois à couper le souffle. En un mot: rock’n’roll. Bastian Baker, très élégant dans son costume noir de maître de cérémonie, a repris la route en haut de l’affiche. Il est ravi.
Annulée l’an dernier pour cause de pandémie, la tournée 2021 du cirque national arrive à Genève cette semaine. Bien que huit villes seulement soient au programme, Bastian Baker se produira tout de même 220 fois au total en cinq mois avec les Knie! Monstrueux.
Sous le chapiteau, personne ne s’en plaindra. L’attente a été interminable. «Songez que, au moment où l’on a signé le contrat avec Bastian Baker, personne n’avait encore entendu parler du covid», confie Géraldine Knie. C’est elle qui a eu l’idée de convier le rockeur. «La musique et le cirque sont indissociables. Celle de Bastian s’accorde très bien avec l’univers Knie. Elle rassemble. Dans la famille, nous sommes tous fans. J’étais certaine qu’il s’intégrerait parfaitement chez nous et c’est ce qu’il s’est passé. Mon fils Ivan (20 ans) a noué une belle complicité avec lui.»
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On connaît le Vaudois accro à l’adrénaline. Il a fallu le canaliser un peu. «C’est vrai que j’aime sortir de ma zone de confort et surprendre, avoue-t-il. Le cirque Knie, c’est la place de jeu idéale pour le faire.» Suspendu à un ruban avec la voltigeuse Ekaterina Stepanova, il s’est fait plaisir. Il chante aussi, bien sûr, par exemple sur le dos de Poséidon, un superbe étalon aux humeurs insondables… «Lors des répétitions, j’ai parfois senti l’équipe inquiète pour moi et ça m’a touché», ajoute le désormais trentenaire, resté un peu chien fou.
En cet été 2021, il est en mode guerrier. Affûté, barbe taillée et cheveux courts: il a renoncé au look hirsute de naufragé volontaire qu’il avait adopté durant le confinement, lui dont l’ascension avait été jusque-là linéaire. Si le covid n’a épargné personne dans sa famille, il ne s’étend pas sur le sujet. «Quand cette saleté a débarqué, j’ai compris que nous autres artistes allions ramasser.» Prophétie vérifiée.
Bastian Baker était au Costa Rica quand la pandémie a enrayé la marche du monde: «Je devais rester une semaine, j’y ai passé quatre mois!» Il était là-bas quand Géraldine Knie l’a appelé. Si l’offre a tardé à se concrétiser, elle le remet aujourd’hui en selle, au propre comme au figuré.
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La tête pleine des souvenirs accumulés en tournée mondiale avec la star canadienne de la country Shania Twain, sa marraine dans le métier, Bastian Baker avoue avoir traîné son spleen un moment: «J’ai eu un coup de moins bien en rentrant en Suisse en janvier 2019. Je ne parlerais pas de dépression, qui est une maladie, mais je me suis posé plein de questions sur mon avenir. J’ai dû me remettre dans de meilleures dispositions. Quand tu rentres de Nouvelle-Zélande, où c’était la folie, et que tu te retrouves dans la brume des Diablerets, ce n’est pas pareil…» Une petite mort, dira-t-on.
La remise en question a été salutaire. «Ces deux dernières années, j’ai opéré un changement de mode de vie assez radical. Avant, je privilégiais la fête. Je ne suis plus dans ce délire. Au Costa Rica, j’ai refait beaucoup de sport pour tromper l’ennui et aussi la peur d’un monde qui partait en dégénérescence. Puis j’ai arrêté l’alcool. Complètement. Je me nourris plus sainement aussi, ce qui m’a fait perdre pas mal de poids. A mon retour en Suisse, j’ai repris le hockey avec les gars à Martigny. Cette parenthèse, qui devait durer un an et a pris fin au bout de trois mois à cause du covid, m’a fait un bien fou!»
Shania Twain est venue l’applaudir pour la première du cirque Knie à Rapperswil. Il lui est reconnaissant de l’avoir transformé. «Avec elle, j’ai exaucé un rêve. On a joué dans les plus grandes arènes du monde, jusqu’à Melbourne. J’ai énormément appris auprès d’elle. Elle m’a donné le goût du spectaculaire. Quand Shania Twain arrive sur scène à Las Vegas, elle est au guidon d’une Harley-Davidson! Moi, j’ai toujours privilégié quelque chose de plus intimiste et ça m’éclatait, mais en arrivant au cirque Knie, j’ai ouvert mon esprit pour sortir d’un certain purisme et penser davantage mes chansons en termes de show. Et c’est un immense kif pour moi!»
La star canadienne, qui vit à La Tour-de-Peilz (VD), lui a offert le monde, en amie. Bastian Baker a franchi un palier. Après dix ans de carrière, il a lâché son producteur historique. «J’ai changé beaucoup de choses dans mon entourage professionnel, mais j’assume. Humainement, c’était très difficile, parce qu’on bossait ensemble depuis longtemps, mais professionnellement, c’était, je le crois, la bonne décision.»
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La Suisse serait-elle devenue trop petite pour lui? «Sûrement pas, c’est mon pays! J’aime ce public qui me suit depuis mes 19 ans et chante mes chansons comme nul autre.» Bastian Baker est heureux de le retrouver grâce à Knie. «Ces dix dernières années, on a joué 1500 concerts dans 50 pays différents. La Suisse, j’y ai passé à peine plus de deux mois par an. Trop peu. Une tournée suisse est d’ailleurs prévue le printemps prochain et je me réjouis trop de retrouver des salles que j’aime, comme les Docks à Lausanne ou le Kaufleuten à Zurich.»
Le chanteur prépare un nouvel album, intitulé «Stories of the 21st», qui devrait sortir fin janvier 2022. Les singles Dancing Without You et Jackpot sont déjà disponibles et Bastian Baker interprète le premier de ces deux titres, devenu son plus grand succès commercial, sous le grand chapiteau des Knie. Il chante aussi I’d Sing For You, Here We Go, Leaving Tomorrow et un petit medley au cours duquel il arpente les gradins. «Je présente aussi une chanson inédite, qui termine le show.»
Le spectacle Knie est réglé au cordeau. Il ne tolère aucune approximation. «Quand tu as huit danseurs autour de toi, tu n’as pas envie d’être celui qui met tout par terre… J’ai dû beaucoup bosser. C’était exténuant, mais ça en valait la peine.»
Durant le mois de «formation» qu’il a passé à Rapperswil avant la première, le chanteur a noué de vrais liens d’amitié. Il logeait sur place, dans une roulotte. Le soir venu, c’était match de foot contre les acrobates colombiens – il était gardien – ou partie de tennis avec Ivan Knie, le fils de la directrice. Le Vaudois a aussi écumé les bonnes tables du coin et reçu la visite de ses potes d’enfance. Sa moto, qui lui manquait, il l’a récupérée la semaine dernière à Berne.
Quand il vivait à Villeneuve (VD), le jeune Bastien Kaltenbacher allait au cirque Knie à Aigle ou à Vevey. «J’aimais les gens du cirque. Leur mode de vie me fascinait. Quand je les voyais arriver dans leurs caravanes, sortir les animaux ou effectuer des sauts périlleux arrière sur le parking, ça me chauffait bien. En plus, leurs enfants avaient leur propre école. Je trouvais ça génial!»
La vie de bohème l’attire toujours, mais ce qu’il aime par-dessus tout, c’est le côté tour de Babel du cirque. «Avec Géraldine et Ivan, on passe allègrement du français à l’italien, puis de l’allemand à l’anglais dans une même phrase et personne ne s’en étonne! J’apprends aussi un mot de russe par jour.» Sans parler du bonheur intense qu’il ressent en paradant à cheval.
En osant ce mariage audacieux, Géraldine Knie a remis au goût du jour l’expression «rock’n’roll circus», que les Rolling Stones avaient choisie en 1968 pour un show télévisé resté légendaire. Et si la seule présence de Bastian Baker ne suffit pas à vous attirer sous le chapiteau, peut-être vous laisserez-vous séduire par son regard de spectateur? «Parfois, comme lors du numéro à l’arbalète du duo Double Risk, ton cœur s’arrête de battre. Un truc de fou! Et que dire des dix motards colombiens du Globe of Speed, qui s’entrecroisent à pleins gaz dans une sphère métallique? Hal-lu-ci-nant!»
>> Infos pratiques: Cirque Knie avec Bastian Baker, à Genève du 27 août au 19 septembre, à Lausanne du 23 septembre au 10 octobre, à Fribourg du 24 au 28 novembre.
Réservations sur ticketcorner.ch ou au 0900 800 800 (1 fr. 19/min), et à la caisse, sur place.