Personne ne s’attendait vraiment au succès planétaire du film Barbie. Parce que les chiffres de vente de ce jouet sont depuis dix ans environ en chute libre, parce que Mattel semblait avoir la mainmise sur ce projet de long métrage et surtout parce qu’on imaginait mal l’intérêt que pouvaient susciter les déambulations dans différentes panoplies d’une poupée aux mensurations science-fictionnesques, la belle ayant un tour de poitrine, de taille et de hanches de 92-46-84 cm et donc un indice de masse corporelle (IMC) de 14,5. Juste à titre de comparaison, l’IMC des top-modèles très minces oscille entre 17 et 20.
Mais voilà, c’était compter sans le talent et l’inventivité de la réalisatrice et scénariste Greta Gerwig, qui avait déjà bluffé le public avec son adaptation en 2019 des Quatre filles du docteur March ou la création de Lady Bird en 2017. Pour son dernier opus, la cinéaste a revisité le mythe de la poupée stéréotype en le parodiant à l’extrême. Ce mélange d’humour misandre premier degré, dans lequel l’homme est relégué au rang d’objet quasi inutile, et de tirades féministes est extrêmement efficace. Car derrière cette légèreté et parfois superficialité revendiquée se cachent plusieurs victoires. La plus évidente, c’est que, malgré les gros sabots chaussés par Greta Gerwig et son actrice-productrice Margot Robbie, le message parfois un peu lourdingue passe auprès du grand public! Certes, nous ne sommes pas dans un film féministe radical, mais on part de tellement loin que ce divertissement de 1 h 54 se trouve auréolé de plusieurs mérites, dont celui de faire la part belle à des héroïnes substantielles.
En effet, aujourd’hui encore, plus de la moitié des longs métrages ne passent pas le test de Bechdel. Ce fameux test né en 1985 du cerveau de la bédéiste américaine Alison Bechdel repose sur trois critères: l’histoire doit faire place à au minimum deux femmes nommées dans l’œuvre par leur nom ou prénom, ces deux personnages féminins doivent échanger ensemble plus de quelques secondes et le sujet de leur conversation ne doit pas être un homme. Je vous laisse le soin de compter combien de films à l’affiche actuellement répondent à de telles règles.
Alors oui, Barbie reste un divertissement, mais un divertissement pas si futile qui, aux côtés d’une poupée mannequin de 64 ans, montre que le patriarcat a pris quelques rides.