«Les speakerines actuelles […] ne servent plus à rien puisqu’on trouve les programmes partout!» Arlette Bech a 70 ans lorsqu’elle témoigne dans Le Temps, en juillet 2001. Celle qui restera à jamais la première speakerine romande devine que le métier qu’elle exerça en pionnière de 1954 à 1958 va disparaître. Ce sera pour août 2012.
S’il s’apparente, pour beaucoup, à celui d’une plante verte, le statut de speakerine n’en est pas moins resté longtemps privilégié. Il faisait rêver. La télévision de papa ne se concevait pas sans ces présentatrices, et les représentantes du sexe «faible» devront lutter pour s’affranchir de cette fonction empreinte de sexisme – que quelques hommes aussi embrasseront, à partir de 1988.
Les téléspectateurs·trices romand·e·s de plus de 50 ans n’ont pas oublié Lyliam, Madeleine ou Claudette, dont le seul prénom suffisait pour les identifier. Une particularité qui, tout en les privant d’une part d’elles-mêmes, leur permettait d’être accueillies dans les foyers comme un membre de la famille, ou presque.
Née Gfeller, orpheline, Arlette participa dans sa ville à la naissance de la Télévision genevoise, le 24 janvier 1954, à la villa Mon Repos, à Genthod. Après la création de la Télévision suisse romande début novembre 1954, elle a emménagé avec elle boulevard Carl-Vogt à Genève. Son rôle? Il consistait, selon un témoin de l’époque, à «réciter l’horaire des trains» en souriant. Définition peu flatteuse. «Il fallait rester sobre, confiait Arlette en 2001. Ne pas heurter par une voix agressive les gens chez qui vous débarquiez à l’improviste.» D’autres impératifs? «Etre jolie» et «avoir l’air en bonne santé». Avec ses cheveux châtains bouclés et sa diction remarquable, Arlette s’imposa. On la filmait sans le son, qu’elle enregistrait ensuite: un travail de doubleuse qui s’ajoutait aux tâches de secrétaire, réceptionniste et monteuse! Le public ne devait rien savoir de sa vie privée – Arlette se mariera deux fois, avec un trompettiste puis avec Raymond Bech, l’un des réalisateurs de la TSR.
Après avoir mené, en direct, une émission pour enfants intitulée «L’écran magique», Arlette disparaîtra subitement du petit écran en 1958. Atteinte de la tuberculose, elle se retirera huit mois en altitude, à Montana, avant de retrouver la ville du bout du lac pour travailler dans l’industrie automobile. Elle est décédée en 2004.