Confinement oblige, on ne cesse de nous enjoindre, depuis des semaines, à rester zen. On nous vendait la zénitude, assimilée à une espèce de détachement bienheureux proche de l’extase sous la forme de parfum, repas minceur, Live box, stylo, doudoune… On nous la propose aujourd’hui comme remède miracle à nos angoisses de reclus.
Laia Monserrat* remet le temple zen au milieu du village. Pratiquante et enseignante du zen depuis trente ans, cette psychologue consacre la première partie de son petit livre Un cerisier sur le balcon à ce qui fait l’essence du zen: la posture. Car le zen est avant tout une pratique, celle du non-agir, en apprenant «à s’asseoir dans une posture correcte, enracinée dans le ciel et dans la terre».
Alors que la plupart des philosophies nous invitent à exercer notre raison, le zen, lui, enseigne l’immobilité silencieuse du corps pour apaiser l’esprit. Le silence est essentiel, car, dans la cacophonie du monde, «se taire est une première règle d’hygiène mentale… pour démêler notre esprit». Et seul le silence permet de se concentrer sur sa respiration, «à travers laquelle chacune de nos cellules échange avec l’extérieur». Ça tombe bien: la cacophonie du monde s’est tue avec la pandémie, nous laissant tout le loisir pour observer cet échange qui, d’habitude, se produit de manière inconsciente.
Le détachement est une notion bouddhiste souvent mal interprétée en Occident. Dans le zen, une des nombreuses écoles japonaises du bouddhisme mahayana, c’est du maelström de ses pensés que le pratiquant doit se détacher, pas de la vie. Il s’agit au contraire de vivre le moment présent dans toute sa plénitude. «Ni demain, ni hier, c’est dans l’éternel présent que tout se produit», précise Laia Monserrat. Et de proposer dans son livre différents exercices pour parvenir à être dans le moment présent au lieu de continuellement ruminer le passé ou de fantasmer un futur, aujourd’hui devenu angoissant. En ce sens, la méditation assise ne constitue qu’un «entraînement qui va donner ses fruits dans les activités quotidiennes».
Car on peut pratiquer le zen en faisant sa vaisselle ou en attendant son tour à la pharmacie. «Chaque geste est une occasion de pratiquer la présence à l’instant présent», insiste Laia Monserrat. Mieux, le fait même de faire quelque chose avec son corps aide à calmer l’esprit, surtout lorsque le corps, enfermé, ne peut plus se mouvoir librement. Une pensée dérangeante (du genre les dernières statistiques de l’épidémie) vous obsède? Mettez-la de côté et faites plutôt le ménage en conscience. L’expression «nettoyer son intérieur» prendra alors tout son sens. Mais le top des exercices, rappelle l’auteure en conclusion, «c’est d’avoir le courage, pendant quelques minutes, de ne rien faire». Là encore, ça tombe bien, au vu du temps libre que beaucoup ont en ce moment.
>> *Le livre: «Un cerisier sur le balcon, pratiquer le zen en ville», de Laia Monserrat aux Editions Jouvence.