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Hommage à la reine Elisabeth II

Anton Mosimann: «La reine était un fin palais»

Ce grand cuisinier soleurois de 75 ans est une star au Royaume-Uni. Anton Mosimann a préparé plus d’une centaine de repas pour la famille royale. La défunte reine, le roi Charles, Lady Di, cinq premiers ministres anglais et des vedettes du monde entier raffolaient de sa «cuisine naturelle», faite de produits locaux et souvent bios. Souvenirs…

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Anton Mosimann

Anton Mosimann: «Je cuisine pour Charles depuis trente-cinq ans»

Didier Martenet
Knut Schwander
Knut Schwander

Dans les années 1980, bien avant Jamie Oliver et Gordon Ramsay, la gastronomie outre-Manche était incarnée par le Suisse Anton Mosimann. Son immense succès au Dorchester Hotel, un des meilleurs palaces de la capitale, où il était devenu «maître chef des cuisines» en 1975 à 28 ans seulement, avait fait de lui une star au Royaume-Uni. Aujourd’hui, on peut visiter au Bouveret (VS) The Mosimann Collection, un musée consacré à sa riche collection de souvenirs.

- Vous êtes actuellement à Londres, ville en deuil. Comment vivez-vous le décès de la reine Elisabeth?
- Anton Mosimann: Je partage mon temps entre la Suisse et Londres, où je suis arrivé la veille du décès de la reine. Cette annonce m’a beaucoup ému. Je suis triste, bouleversé même, car elle était une grande dame au rayonnement unique. J’ai eu le privilège de bien la connaître, depuis longtemps.

- Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec la reine?
- Bien entendu! C’était il y a près de cinquante ans, à l’hôtel Dorchester où j’étais chef de cuisine. Elle est venue y manger, invitée par un homme d’Etat du Moyen-Orient. A la fin du repas, j’ai été appelé pour lui être présenté. J’étais très impressionné, fébrile même! Et pourtant, elle s’est montrée très aimable. Depuis, je l’ai revue très souvent, jusqu’à quatre fois par an.

- Qu’y avait-il au menu de ce premier repas destiné à Sa Majesté?
- Je m’en souviens parfaitement, car je garde tous mes menus – plus d’un millier! – dans mon musée, au Bouveret. En entrée, j’avais fait mariner du saumon écossais agrémenté de chair de crabe. Puis je lui ai servi un filet d’agneau accompagné de légumes du marché. Et en dessert, une spécialité typiquement britannique: le «bread and butter pudding».

Anton Mosimann

En 2012, «L’illustré» avait rencontré Anton Mosimann à Londres à l’occasion des 60 ans de règne d’Elisabeth II. Buckingham lui avait commandé un banquet pour 750 invités. Le Soleurois était entouré de son équipe du Mosimann’s Club, établissement qu’il avait ouvert en 1988. Ci-dessus: le chef suisse et son épouse Kathrin saluent la reine en 2007.

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- La reine vous a-t-elle dit quel était son plat préféré?
- La reine était un fin palais. Elle privilégiait le local, le léger et si possible le bio: des poissons, de l’agneau, toujours cuisinés de la manière la plus nature possible, pour mettre en valeur la qualité des produits. De manière générale, pour les membres de la famille royale, j’apprête surtout des aliments provenant de leurs fermes.

- Quand la reine ou un autre membre de la famille royale sort au restaurant, comment cela se passe-t-il?
- Tout est minutieusement préparé. Il y a d’abord un contact téléphonique. Puis une visite pour déterminer la table: proche des sorties et bien en vue des agents de sécurité qui prendront discrètement place en salle. Le jour J, l’établissement est contrôlé de fond en comble, avec des chiens. Les autres clients sont triés sur le volet. Il n’y a pas d’inconnus dans la salle.

Anton Mosimann

Le roi Charles (ci-dessus avec le couple Mosimann) reste le membre de la famille royale le plus amoureux de la cuisine naturelle du Soleurois à l’éternel nœud papillon.

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- Vous avez cuisiné des dizaines de fois pour Elisabeth II et sa famille. Quel est votre souvenir le plus marquant?
- Un soir, à la fin d’un repas pour dix convives royaux, ils ont décidé de regarder un film: Le docteur «Jivago». Avec le sous-chef, nous avons été conviés à assister au visionnage. C’est un souvenir unique, car la reine a ri, l’atmosphère était détendue et c’était une soirée magnifique. Puis, il y a un séjour officiel à Prague: quatre jours intenses au service du prince Charles qui rencontrait Vaclav Havel.

- Vous connaissez bien le prince Charles?
- Oui, je cuisine pour Charles depuis trente-cinq ans! J’ai souvent eu l’occasion de le côtoyer et nous discutons volontiers ensemble de choses et d’autres. Il est d’ailleurs très ouvert et épris de la Suisse, où il est régulièrement venu en vacances, à Klosters.

>> Lire aussi: Elisabeth, reine éternelle (éditorial)

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Un des plats préférés de la princesse de Galles était le risotto à la truffe blanche, qu’elle venait parfois déguster seule avec ses deux fils.

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- C’est vous qui avez signé les repas de noces des deux princes, William et Harry. Sont-ils, eux aussi, fans de votre cuisine?
- William et Harry venaient déjà dans mon restaurant quand ils étaient petits, avec leur maman, la princesse Diana. Je crois qu’ils ont toujours apprécié ma cuisine. Et, effectivement, j’ai eu l’immense satisfaction de voir mes menus ovationnés à la fin de leurs deux repas de mariage. A l’évidence, ils étaient heureux. Moi aussi!

- Vous avez été nommé officier de l’ordre de l’Empire britannique par Elisabeth II. Allez-vous assister à ses obsèques? Et, si oui, porterez-vous l’un de vos célèbres nœuds papillons?
- Je ne sais pas encore si je serai présent. Et je me tiens bien entendu à disposition si je peux me rendre utile. J’ai écrit une lettre de condoléances au roi Charles III, avec une note personnelle puisque nous nous connaissons depuis longtemps. Quant au nœud papillon, bien entendu que je le porterais, même lors de funérailles royales.

>> Retrouvez les articles de notre dossier, consacré au décès d'Elizabeth II:

>> En juin dernier, «L'illustré» consacrait un dossier spécial en l'honneur des 70 ans de règne de la reine Elisabeth II. Découvrez ou redécouvrez nos articles:

Par Knut Schwander publié le 15 septembre 2022 - 09:01