Quarante-cinq chevaux, quelques ânes et moutons nous regardent d’un œil distrait. Les visiteurs, ils connaissent. Ce grand manège niché à Sézenove, dans la campagne genevoise, est un endroit qui vit, qui bruisse, où l’on ne s’ennuie jamais. Sa directrice et fondatrice, Anouk Thibaud, n’engendre pas non plus la mélancolie. L’œil amusé, elle accueille dans la salle de restaurant, souvent louée pour des mariages ou des soirées d’entreprise.
C’est ici que tout a commencé, il y a vingt-deux ans. «Je n’avais rien prévu, se souvient cette acharnée, dont le grand-père a possédé une école d’équitation en Hongrie. Tout est parti de la vraie vie, du constat de tous ces chevaux qui allaient mal finir parce que leurs propriétaires allaient mal. J’ai créé l’association et mis mes sœurs dans le comité, pour faire comme s’il y avait du monde avec moi…»
Le besoin était évident. A peu près rien n’existait pour les équidés en détresse. A tel point qu’on se demande ce qui se passait quand Darwyn, qu’on appelle aujourd’hui à tout bout de champ dans ces situations difficiles, n’était pas là. «J’avais sous-estimé la souffrance humaine derrière les chevaux. C’est le monsieur sur son lit de mort qui dit: «Tu les donneras à Darwyn.» C’est la dame qui divorce ou tombe malade et ne peut plus s’en charger, pour des raisons financières.»
Avec le temps, la quête a pris des proportions considérables. Hormis les chevaux présents dans le refuge, environ 120 autres, souvent d’âge avancé ou souffrant d’un handicap, sont en pension, payée chaque mois. Deux cent quarante autres sont placés dans des familles d’accueil. «Là, on peut participer à des frais imprévus, notamment vétérinaires, surtout s’il s’agit de chevaux âgés.» Il faut donc établir un diagnostic exact: «On veut remettre les chevaux en état, les placer chez la bonne personne, sans brûler des étapes», dit-elle.
Ici, on se trompe rarement et, en cas de faiblesse trop grande de l’animal, on ne pratique pas l’acharnement. Cet été, un âne est arrivé dont il était évident qu’il ne survivrait pas. «On a préféré le faire endormir. Mais on accompagne ces bêtes-là, nous les respectons jusqu’à la fin.» Exemple contraire: une ponette a une prothèse, avec une belle qualité de vie. L’ampleur de la mission crée un va-et-vient absolu et une somme de dossiers phénoménale, pour une entité qui fonctionne sans subventions publiques, juste à coups de dons et de soutiens divers.
Et il y a les cas à problèmes, les dénonciations par des tiers de situations où les chevaux semblent maltraités. Darwyn va toujours vérifier: «S’il s’agit de professionnels qui savent parfaitement ce qu’ils sont en train de faire, je n’hésite pas, je dénonce. Aller sur le terrain pour faire changer la vie des chevaux, c’est ce qui me tient depuis toujours.» Elle aime rendre attentif aux signes extérieurs de maltraitance. «D’abord, tout bêtement, l’entretien des clôtures. Mais aussi la propreté des animaux, l’état des sabots, du poil. Dans les centres équestres, le fait que les chevaux ne vont pas au pré. Ou qu’ils sont agressifs. Des chevaux méchants, cela n’existe pas: un mal-être les rend ainsi.»
Darwyn couvre la Suisse romande et la France voisine. Quand Anouk Thibaud rentre à Sézenove et retrouve son refuge, elle a le sourire. «Je remercie la vie d’avoir pu créer tout cela et que cela fonctionne. Les gens croient que nous sommes 50 à attendre les téléphones: pas du tout, nous sommes quatre à courir comme des fous. Mais je suis heureuse que tant de personnes, dont beaucoup de bénévoles, viennent avec la même joie de vivre que moi, certaines juste pour nourrir un poney. D’autres se sont rencontrées ici et mariées. Tant de superbes histoires! J’aimerais faire un film de ma vie.»
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