- Après un tel triomphe, vous vous sentez plutôt bâtard ou sensible?
- Alexandre Kominek: Je n’ai pas de choix à faire. C’est pour ça que le spectacle s’appelle comme ça. Je suis bâtard et sensible, vanille et chocolat.
- Jamais d’autocensure, vraiment?
- Jamais! D’autres ont tenté de le faire, mais ça se règle en discutant. Souvent, c’est parce qu’une vanne n’est pas comprise, surtout à l’écrit. Quand j’envoie un texte, les gens ne le comprennent pas toujours, mais quand ils me voient le jouer, ça passe. Sur France Inter, j’ai une liberté totale pour mes chroniques. Si on ne me la donnait pas, je n’irais pas.
- Le sort réservé à Guillaume Meurice en ce moment (humoriste visé par une procédure disciplinaire à la suite d’une plaisanterie jugée déplacée, ndlr), ça vous fait réfléchir?
- Non. Je n’ai même pas envie d’en parler. Les gens sont fous, ils s’emballent. Si on me menace un jour, je me rebellerai, comme lui.
- Tout le monde a ses limites, quelle est la vôtre?
- Le monde a déjà trop de frontières, trop de lois, trop de règles... donc si c’est pour m’en imposer d’autres dans mon travail, non merci.
- Plutôt Bleu Lézard ou Stade de France?
- C’est dur de faire un choix. L’un amène l’autre et c’est ça qui est beau. Compte tenu de ma personnalité, je serais complètement Stade de France. Je dirais même deux Stades de France! J’en parlais ce soir avec Thomas (Wiesel, ndlr), je trouve ça fou. Dix ans de carrière, c’est beaucoup. Mais en réalité, c’est passé en un clin d’œil. Et c’est encore plus fou de passer de 50 à 1600 spectateurs comme ça.
- Justement, votre première scène au Bleu Lézard date d’il y a un peu plus de dix ans. Où vous voyez-vous dans une décennie?
- Au cinéma. J’ai commencé à en faire un petit peu. J’aimerais qu’il prenne de plus en plus de place. Le rêve absolu, ce serait de jongler entre tournages et spectacles.
- A ce propos, vous avez pu avancer sur la fiction que vous avez commencé à écrire?
- Je travaille sur deux projets de films, en fait, des comédies. J’ai avancé un peu, mais c’est long et laborieux.
- Un rôle dramatique ou de vrai héros vous tenterait?
- Oui, j’aimerais énormément. Je pense même que je serais très bon dans un tel rôle. C’est présomptueux de dire ça, mais on pense surtout à moi dans des comédies, pour l’instant. Des rôles de mec trash, complètement déglingué ou borderline. J’aimerais bien qu’on puisse m’imaginer à contre-courant.
- Carlos, le play-boy assoiffé de sexe, c’est votre jumeau maléfique?
- Il est né comme un rôle de composition. Tous ces personnages qui ont des accents, ce sont des gens qui ont fait partie de mon enfance. Je fréquentais beaucoup d’Espagnols et de Brésiliens. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, à force de l’interpréter, c’est devenu mon double. J’aime bien cet aspect un peu kitsch et dépassé, à la Julio Iglesias. J’ai regardé certaines de ses interviews, il raconte des trucs qu’on ne peut plus dire aujourd’hui. Je trouve ça bien de continuer à le faire, mais en comédie.
- Ce n’est pas trop compliqué d’interpréter un spectacle aussi explicite devant sa maman?
- Sur le moment, je n’y pense pas. Au début, elle me disait avec son accent polonais: «La vulgarité ne me dérange pas, mais je n’aime pas quand tu mimes.» Aujourd’hui, elle s’en tape. Elle est même très contente et très fière. C’était peut-être plus dur pour elle d’assumer ça quand je jouais dans une cave. Maintenant, elle voit que les salles sont pleines et que ça marche, je peux dire ce que je veux sur elle. Elle est ma mère, et en même temps mon meilleur pote. C’est comme si je jouais devant un copain d’enfance.
- Jouer les beaux gosses, c’est une revanche de l’enfant enrobé et moqué?
- Oui. En même temps, je roule des mécaniques en étant un peu un loser. J’ai toujours ce rôle de dominant/dominé. Comme le personnage de Nicky Larson, super-héros qui plie devant sa nana. J’aime bien quand on sent que la femme est plus forte que le mec.
- Le peignoir léopard, c’est une référence à la marionnette de DSK des Guignols?
- Du tout. J’ai toujours aimé les peignoirs. A la maison, j’en porte, j’adore ça. A la base, le modèle en éponge. Maintenant, j’en ai certains en soie, mais je préfère les peignoirs de bain.
- Etre odieux sur scène ou au micro, c’est un exutoire ou une passion?
- C’est génial. La scène, c’est le seul endroit où on peut être libre de cette façon. Si je le faisais dans la rue, on me prendrait pour un malade. C’est marrant, d’ailleurs, les gens me disent que je suis beaucoup plus calme dans la vie que pendant mon spectacle. Heureusement, parce que si je me frottais à leur genou pendant qu’on parle, il y aurait un problème. Donc oui, la scène, c’est un exutoire, c’est célébrer la liberté.
- D’après votre expérience, il vaut mieux coucher pour réussir ou réussir pour coucher?
- Réussir pour coucher. L’inverse, je ne l’aurais jamais fait. Le succès, c’est plaisant. Et puis, on ne va pas se mentir, pour certains, s’ils n’avaient pas réussi, ils n’auraient jamais couché de leur vie.
- Ce n’est pas un peu énervant de séduire grâce au succès?
- Non, il y a un certain charme. Ce n’est pas forcément parce qu’on est riche ou connu. Il y a un effet à voir quelqu’un qui fait rire 1600 personnes. On se dit qu’il a quelque chose.
>> Lire aussi: Yann Marguet: «À Paris, il y a du répondant, et j’aime ça!»
- Avoir un enfant, c’est une envie ou pour une autre vie?
- Je ne me pose pas la question.
- L’argent, c’est un tabou?
- Absolument pas, j’adore ça. C’est super, l’oseille. Les gens qui me disent que ce n’est pas bien ou que ça ne sert à rien, ils n’en ont jamais manqué. Quand on grandit dans un milieu populaire, qu’on connaît vraiment les galères et l’Hospice général, on ne crache pas dessus s’il y en a.
- C’est plus dur d’en manquer à Genève qu’ailleurs?
- Oui, parce qu’on évolue dans un microcosme où on y a très vite accès. A Genève, en deux rues, il y a deux ambiances. Un HLM et, juste derrière, l’Hôtel Kempinski.
- Plutôt porno ou réseaux sociaux?
- Je ne suis pas un grand consommateur de porno. Alors je dirais réseaux sociaux, même si je freine pas mal de ce côté-là, parce que ça me bouffe trop de temps. J’ai vraiment réalisé que c’était débile. On a toujours le même fil, avec les mêmes gens et les mêmes pubs qui apparaissent. Savoir que l’autre, elle a bu un Spritz à 16 heures à tel endroit, franchement, je m’en passe. Et mon cerveau marche beaucoup plus vite depuis que je me suis détaché de tout ça.
- Votre dernier fou rire, c’était avec qui?
- Avec mon cousin, dont je parle dans le spectacle. On était en train de manger à Belleville dans un restaurant tunisien et il me racontait son expérience de travailler dans le tissu en Chine. C’est très marrant d’entendre les aléas d’un juif tunisien à Pékin.
- Et vos dernières larmes, de quand datent-elles?
- C’était devant le film The Whale de Darren Aronofsky, avec Brendan Fraser, qui jouait dans George de la jungle. Il joue un obèse morbide qui ne bouge plus de chez lui et essaie de renouer avec sa fille adolescente. Ça faisait vraiment longtemps que je n’avais pas autant chialé devant un film.
- Pour conclure, vous préférez mourir en pleine gloire ou malheureux, pour ne rien regretter, comme le chante Daniel Balavoine?
- En pleine gloire. Je préfère manquer aux gens plutôt qu’être un bon débarras.
>> Date finale de la tournée suisse: samedi 7 février 2026 à l’Arena de Genève.