C’est une trajectoire peu banale que celle d’Alessandro Spada, récent vainqueur de l’édition 2024 d’I Bellissimi d’Italia, institution transalpine où les concours de beauté sont restés populaires, en dépit d’une tendance lourde visant à les supprimer ailleurs. Ainsi n’élit-on plus de Mister Suisse depuis 2010. Les temps changent, mais au royaume des veline, ces jolies filles omniprésentes à la télévision italienne, dont l’unique fonction consiste à flatter les pupilles du public, le physique fait encore recette.
Au sud des Alpes, trois grands concours de beauté masculins cohabitent: Mister Italia, I Bellissimi d’Italia et Il Più Bello d’Italia. Les gueules d’amour et leurs inconditionnel(le)s ont l’embarras du choix. Le 14 septembre, à l’Hotel Villagio La Marée, à Pisciotta (province de Salerno), ils étaient une bonne centaine, tous sexes confondus, sur les rangs d’I Bellissimi d’Italia. Le vainqueur masculin? Alessandro Spada, 20 ans, venu d’Avezzano, dans les Abruzzes.
«Je suis fier de ce titre et j’espère qu’il me servira de tremplin, confie le lauréat, qui possède aussi la nationalité suisse. J’ai travaillé dur pour réussir. Je me suis imposé une discipline de fer, sur le plan de la nutrition notamment, et ça a payé.» Un bonheur que ce beau gosse célibataire (!) partage avec toute sa famille, originaire de Saint-Imier (BE) du côté maternel. Corinne Hänni, sa tante et sa plus grande fan (avec sa maman Patricia), réside toujours dans le Jura bernois.
Des souvenirs à Saint-Imier
La Suisse romande tient une place à part dans son cœur. A peine élu, il a aussitôt dit à sa mère: «Il faut absolument le faire savoir là-bas!» Sa tante Corinne s’est improvisée attachée de presse.
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L’histoire du plus bel Italien de l’année est indissociable du Jura bernois où, depuis sa plus tendre enfance, il vient régulièrement en vacances. Feu son grand-père Samuel Hänni, qui a été restaurateur à Mont-Soleil puis agent matrimonial et forain – sa fille Corinne raconte en riant qu’il a marié tous les agriculteurs du lieu! –, avait ses yeux.
Quant à sa grand-maman Virginia, décédée le 29 décembre 2013, elle vouait au cadet de ses neuf petits-enfants un amour inconditionnel.
Son nom sonne comme celui d’une star de l’écran. Alessandro Spada, mélange conquérant d’Alexandre le Grand et d’une épée. Que représente Saint-Imier pour lui? «La famille d’abord; des souvenirs de moments partagés inoubliables, autour d’une raclette aux Reussilles (BE) par exemple, mais aussi les pâturages verts, les sapins, ce paysage qui contraste tant avec celui des Abruzzes.» Dans un français chahuté que sa maman Patricia – elle le reconnaît volontiers avec cet accent du Jura bernois qui ne l’a jamais quittée – regrette de ne pas lui avoir appris davantage, il s’efforce de se raconter d’une voix posée, sans se départir de son sourire.
Sa trajectoire constitue un récit migratoire inversé. Inversé parce que parti de la Suisse. Il y a près de quarante ans, en 1986, sa maman Patricia, alors âgée de 17 ans, file en vacances en Italie, direction les Abruzzes, accompagnée d’Olivier, un ami d’enfance. La présence de ce dernier a rassuré les parents Hänni. Olivier rentrera pourtant seul. Patricia a rencontré Renato Spada, son futur époux, à Avezzano. Coup de foudre réciproque. Elle ne bougera plus.
En Suisse, Patricia était à trois mois d’achever son apprentissage dans une confiserie-chocolaterie biennoise. Quand son père réalise qu’elle est sur le point de tout abandonner, il se rend illico presto en Italie, bien décidé à la ramener à la raison (et à la maison). Il reviendra seul lui aussi...
Patricia a rencontré l’amour et, trente-huit ans plus tard, elle partage toujours la vie de son époux Renato, qui travaille dans l’événementiel. Le couple a eu cinq enfants. Alessandro est le plus jeune. Un gosse attachant «avec un cœur d’or», souligne sa tante, qui ajoute: «J’espère que cela ne lui jouera pas de mauvais tours dans le milieu de la mode.» Elle peut compter sur le sérieux de son neveu, qui ne semble pas homme à se laisser corrompre.
Sa vie ressemble déjà à un roman, rappelant celle de la top-modèle allemande Claudia Schiffer dont la carrière débuta après avoir été repérée dans une discothèque à Düsseldorf.
Alessandro, lui, aime refaire le monde avec ses copains sur la piazza Torlonia de sa ville, Avezzano, que domine le Castello Orsini. «Un jour qu’il traînait avec son cousin, une inconnue l’aborde et lui lance: «Mais qu’est-ce que tu es beau! Cela t’intéresserait de défiler?» raconte sa tante. C’est cette dame, Monica Biondi, qui va lui mettre le pied à l’étrier; il participe à quelques défilés régionaux, puis elle l’inscrit à l’élection régionale de Mister Abruzzo 2023, qu’il remporte.» Le coprésentateur de la soirée, Gaetano Gaudiero, animateur radio et figure italienne du divertissement, a également été subjugué. Il décide de lui offrir un prix spécial, lui proposant d’intégrer sa propre académie de cinéma à Naples, la Show Time Academy, prenant à sa charge les 8000 euros nécessaires. Alessandro Spada s’y rend deux fois par semaine. En autobus.
Ne pas s’enflammer, ne rien précipiter, ne jamais oublier d’où l’on vient. Alessandro Spada en a conscience. Les étoiles s’alignent, mais pour espérer s’imposer au niveau national, il va devoir se sublimer. Ne devient pas Bellissimo d’Italia 2024 qui veut.
Il s’engage comme bénévole
Le jeune homme est sportif. Il ne boit pas, ne fume pas non plus. Grand (185 cm) et athlétique, il se retrouve vite dans les bassins – il est aussi maître nageur –, mais c’est en tant que boxeur qu’il exprime le plus de talent, malgré les risques pour son visage...
Sur le plan de la formation, Alessandro Spada sort d’une école de commerce. Généreux et plein d’empathie, il s’est engagé comme bénévole pour l’association Rindertimi, qui vient en aide aux migrants désireux de s’intégrer. Il apporte aussi son soutien aux personnes âgées. Une crème.
Alessandro ne porte aucun tatouage. «Je n’aime pas ça et, dans la mode, être tatoué est un inconvénient. Cela ne fait pas propre, confie-t-il en vrai Suisse. Moi, je privilégie le naturel.»
A Naples, l’agence de mannequins Clarence Management, qui a déjà fait appel à lui, songe à le recruter. Il sera fixé bientôt. En attendant, il court les castings. Son book fait le tour du pays. Une vie de nomade s’esquisse.