Nous sommes en janvier 2020. La pandémie n’a pas encore dit ses premiers mots. Le «virus chinois» commence à poindre dans les conversations mais rien n’indique encore l’ampleur de la crise qu’il va générer. Je me retrouve à m’entretenir avec Alain Berset à la Swiss House dans le cadre du World Economic Forum à Davos et nous abordons mille sujets. Notamment à propos du protocole. Il se trouve que le conseiller fédéral est un expert du domaine. Il n’y a pas de règles écrites à ce sujet au sein de la Confédération mais ceux qui exercent le pouvoir les connaissent.
Dans un pays où il s’avère tout à fait possible de côtoyer le plus haut représentant de son exécutif dans le train en se rendant au travail le matin, le pouvoir semble diffus et peu codifié. C’est tout l’inverse. Le Conseil fédéral ne décide pas n’importe comment et il se montre très strict sur la manière de présenter ses actions. Le peuple a pu s’en rendre compte avec ses conférences de presse du mercredi. Ces dernières n’intéressaient jusqu’ici que les journalistes. Elles sont devenues – par la force des événements – la lucarne où nous avons fait nation pendant deux ans. Quand un seul conseiller fédéral apparaissait, ou deux, ou trois membres de l’exécutif, cela n’avait rien à voir avec le hasard mais avec la solennité du moment, au poids qu’il fallait lui donner.
Au début de la crise, la Suisse romande a beaucoup regardé la France. Les interventions du président Macron qui a rapidement parlé de guerre à livrer au covid ont donné le ton. Puis nous nous sommes de plus en plus fixés sur nos autorités. Parce que les mesures se contredisaient entre les deux pays – et qu’il fallait bien se souvenir des bonnes! – mais aussi parce que nous avons vu un ministre de la Santé prendre de plus en plus de consistance et devenir l’homme de la situation. A la suisse: Alain Berset a géré la crise avec aplomb, sans excès – les restrictions de liberté ont été bien moins fortes que chez nos voisins – et cette action a été validée par deux votations populaires.
C’est le même homme que nous avons rencontré le 16 mars avec nos lecteurs, avides de lui poser leurs questions. Pile deux ans après la bascule dans le confinement. Il n’a fait, au fond, que nous rappeler une évidence: les démocraties avec à leur tête des gens raisonnables capables de jouer en équipe et soutenus par des experts dans leur domaine sont les mieux à même de dépasser les grands tourments de l’histoire. C’est un rappel utile dans la période troublée que nous vivons.