Comme le disait Julien Green, écrivain majeur du XXe siècle: «Les livres sont des fenêtres ouvertes sur le monde.» Il est évident que, jusqu’à présent, personne n’a trouvé mieux pour voyager dans le temps, dans l’espace, voire au coeur d’un imaginaire tantôt formateur, tantôt émouvant. Ces ouvrages que nous dévorons ou que nous compulsons sont des armes pacifiques (excusez l’oxymore) contre la solitude, l’ignorance et une manière de lutter contre l’obscurantisme. Bon nombre d’ennemis de la démocratie ont d’ailleurs cherché à annihiler le pouvoir de ces recueils. En 1933, alors qu’il n’était à la tête de l’Allemagne que depuis quatre mois, Adolf Hitler ordonna que l’on réduise en cendres les opus des grandes figures intellectuelles germanophones de l’époque.
La bibliothèque nationale du Cambodge, elle, a entre 1976 et 1979 été réduite à son minimum lors de la prise de pouvoir des Khmers rouges. Même procédé dans le Pendjab avec la bibliothèque sikhe qui contenait des textes rares et sacrés et fut détruite sous les ordres d’Indira Gandhi espérant ainsi anéantir des documents qui auraient pu lui être compromettants. Quant à l’édifice livresque chrétien de Saeh à Tripoli, il fut incendié en 2014 avec sur ses rayonnages 80 000 manuscrits et volumes précieux. La liste de ces ravages causés par des hommes contre des écrits est extrêmement longue.
Heureusement, certains de ces lieux magiques sont restés intacts au fil des siècles, permettant à la science, aux humanités et même aux premiers romans d’être admirés et compulsés par les générations suivantes. Parmi ces antres du savoir qui recèlent des trésors d’histoires avec un petit et un grand H, il y a l’abbaye d’Admont en Autriche, qui date des années 1770, le monastère de Strahov à Prague, Sainte-Geneviève à Paris, qui a ouvert ses portes en 1851, mais aussi et surtout Saint-Gall, qui possède 170 000 ouvrages dont des collections de manuscrits remontant au haut Moyen Age. Son directeur depuis 2013, Cornel Dora, confesse avoir le plus beau job du monde. Personne ne le contredira et surtout pas Simone de Beauvoir qui, dans «Les mémoires d’une jeune fille rangée», écrivait: «Je me disais que, tant qu’il y aurait des livres, le bonheur m’était garanti.»
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