Le détail en dit long sur la gravité des charges qui pèsent sur Pierre Palmade: il a choisi pour le défendre l’avocate Céline Lasek, la meilleure dans ce qui ressemble aux causes perdues du vedettariat. Sur le CV de cette guerrière du barreau figurent la défense de Bertrand Cantat, condamné en 2004 pour le meurtre de Marie Trintignant, qu’il avait battue à mort, et celle de l’animateur Jean-Marc Morandini, condamné en décembre dernier pour «corruption de mineurs» après des échanges sordides avec des adolescents. Sur son site, Céline Lasek précise intervenir dans des «affaires sensibles», avec «une maîtrise des problématiques pénales complexes» et une pratique du droit de la presse: «diffamation, injure, droit de réponse, atteinte à la vie privée». Depuis que son client a brisé le destin d’une famille, cette avocate refuse obstinément les sollicitations des médias, optant visiblement pour la stratégie du silence dans une affaire qui semble s’aggraver jour après jour. Le drame de la famille Yakut s’est produit le vendredi 10 février, aux alentours de 19 heures, quand la voiture de l’humoriste de 54 ans les a percutés de plein fouet.
Ce soir-là, la star n’a pas dormi depuis vingt-quatre heures, arrivée la veille dans sa résidence secondaire de la région parisienne avec l’intention de s’offrir «un week-end de folie entre sexe et drogues», comme le racontera «Paris Match». Mais il prend pourtant le volant, flanqué de deux complices d’agape à bord. Objectif? Faire des courses. «Il trouve drôle d’aller déambuler, défoncé, dans les allées du Carrefour le plus proche», assure encore «Paris Match». Mais sa voiture se déporte subitement sur la voie de gauche d’une départementale en ligne droite. Dans la Renault Megane arrivant en face, une femme de 27 ans, enceinte de six mois et demi, son beau-frère de 38 ans et le fils de ce dernier, 6 ans. Le bébé à naître ne survit pas à l’accident. Les autres victimes sont transportées d’urgence à l’hôpital. A ce jour, père et fils sont toujours aux urgences, dans un état grave qui devrait entraîner de lourdes séquelles, selon leurs proches.
Entourage tétanisé
Pierre Palmade, lui, s’en tire avec un pneumothorax et des côtes cassées. Ses passagers sont assez en forme pour fuir les lieux avant l’arrivée des secours. Testée positive à la cocaïne, la star est placée en garde à vue le 15 février, avant d’être mise en examen pour homicide et blessures involontaires, avec circonstances aggravantes. D’abord assignée à résidence, sous surveillance électronique dans un service d’addictologie. La cour d’appel a décidé lundi 27 février de sa détention provisoire, en attente d’un procès. Pierre Palmade avait déjà été condamné en 1995 pour consommation de cocaïne, puis en 2019 pour acquisition de stupéfiants. Dans son entourage professionnel, depuis une vingtaine de jours, c’est le silence aussi. Tous ceux qui posaient hier encore à ses côtés, hilares, semblent tétanisés. Le 15 février, sa sœur, Hélène Palmade, se fendait néanmoins d’un communiqué assurant que son frère «a honte» et «prie», décidé à «assumer toutes les conséquences de ses actes».
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Face à la discrétion du showbiz, les confidences de quelques intimes de la vie parallèle de Pierre Palmade n’en semblent que plus saisissantes. Certains ont ainsi rappelé que la star était familière de soirées «chemsex» (pour «chemical sexuality»), une pratique consistant à consommer des drogues, parfois en intraveineuse, pour décupler libido et performances sexuelles. La drogue de synthèse 3-MMC fait partie des substances les plus prisées. Le soir de l’accident, Pierre Palmade était d’ailleurs accompagné d’un certain Sambou G., 34 ans, avec lequel il avait déjà été impliqué dans une affaire de trafic de stupéfiants, en 2021, comme l’a révélé «Le Journal du Dimanche». Durant son audition d’alors, l’humoriste confiait aux policiers avoir rémunéré cet acolyte «pour des injections de 3-MMC». «Paris Match» a également révélé que, un jour de printemps 2022, l’humoriste surgissait dans un commissariat parisien, hagard, expliquant avoir enfermé chez lui «trois escort-boys» qui voulaient lui soutirer de l’argent.
Trop d’ingérence médiatique dans sa vie privée? Pierre Palmade s’est lui-même livré sur ses addictions et excès en publiant une autobiographie, en 2019, «Dites à mon père que je suis célèbre» (Ed. Harper Collins). «Je draguais et je couchais; un garçon par soir, ce n’est pas mal. Plus tard, ce sera beaucoup plus. Trois, quatre, cinq», y détaille-t-il. «La coke me permet le sexe à outrance. Je me paye des escorts, le mot chic qui a remplacé ‘pute’», écrit-il encore. Ce livre-confession avait tout d’un désir de rédemption alors qu’il ne cessait de répéter en promotion comment l’addiction est une maladie terrible dont il est difficile de se libérer. «J’ai mené une vie violente, intense, grisante et, à 50 ans, j’aimerais qu’elle soit un tout petit peu plus paisible», lâche alors dans «C à vous» celui qui a tenté des cures. Et la thérapie. Sa maison, achetée en 2017, du côté de la majestueuse forêt de Fontainebleau est d’ailleurs censée l’éloigner «de tout ça».
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Taxé d’homophobie
De façon un peu étrange, Pierre Palmade a souvent justifié sa consommation de drogues par le fait qu’il n’aimait pas son homosexualité, comme il le disait encore dans la même émission de «C à vous»: «Régulièrement, à jeun, j’avais besoin d’être avec des femmes et, malheureusement, grâce à la coke, que j’ai prise pour un médicament au début, j’ai pu me libérer dans mon homosexualité, dans ma sexualité.» Cette même année, il était taxé d’homophobie par les associations SOS homophobie et Urgence Homophobie pour des propos controversés dans l’émission «On n’est pas couché»: «Il y a les homos et les gays. J’ai fait une différence. Les gays, c’est des gens qui mangent gay, qui rient gay, qui vivent gay, qui parlent gay (…) Les homos, ce sont des gens qui sont homos, mais ce n’est pas marqué sur leur front, on ne le sait pas quand ils parlent, quand ils vivent (…) Et moi, je suis plus à l’aise en étant un homo où ça ne se voit pas.» L’année suivante, il créait une pièce sur ses contradictions: «Assume, bordel!»
Dans ses Mémoires, Pierre Palmade se rappelait aussi son parcours fulgurant, comme pour restaurer son lustre d’antan. L’histoire de l’ascension éclair d’un fils de médecin – mort tragiquement sur la route, quand il avait 8 ans – après avoir largué son Bordeaux natal et son école de commerce afin de percer dans l’humour à Paris. Il a alors 19 ans, il est fan de la reine du théâtre de boulevard Jacqueline Maillan, autant que de Sylvie Joly, qu’il aborde au culot en s’incrustant dans sa loge un soir de spectacle. Sous le charme, elle lui met le pied à l’étrier. Premiers pas dans une émission de sketchs sur France 3, rencontre avec Muriel Robin et Michèle Laroque qui deviennent ses bonnes fées. Très vite, il joue ses spectacles et écrit pour des pointures du rire: Dominique Lavanant, Jean-Marie Bigard, Pierre Richard, Isabelle Mergault, Line Renaud, Marie-Anne Chazel... Dès 1993, il intègre aussi la troupe des Enfoirés, chapeauté par Jean-Jacques Goldman. Au cinéma, il joue dans une douzaine de films, et gagne son rond de serviette à la télévision.
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En décembre dernier, il animait encore l’émission de sketchs «Le grand restaurant», sur M6, entouré d’une brochette de stars, et l’émission «La fine équipe», mi-janvier, sur France 2. Ce qui ne l’empêchait pas d’arriver parfois «dans un état lamentable», comme il l’a confessé dans son livre. Le succès l’a longtemps rendu «imbuvable, chiant, un vrai petit con», c’est toujours lui qui le dit. La gloire lui ouvre surtout les portes de la nuit. Son QG des années 1990 s’appelle le Banana Café, haut lieu parisien des fêtes LGBT. Ce qui ne l’empêche pas d’épouser Véronique Sanson en 1995. L’union surprend? Il confiera plus tard: «Bien sûr j’étais homo, mais je m’ennuyais, je ne rencontrais aucun homme qui m’intéressait. Et tout en étant homo, j’ai rencontré cette femme passionnante et je me sentais moins seul avec elle qu’avec un autre homme.» Le couple se sépare en 2001. Elle dira qu’elle ne pouvait «plus suivre» son rythme trépidant.
Mais Pierre Palmade a définitivement quitté les pages people pour celle des faits divers mi-février. Depuis l’accident tragique, son dossier s’est même alourdi avec un nouveau volet judiciaire alors qu’un témoin a remis à la police des vidéos qui montreraient l’humoriste regarder, durant une fête, «des vidéos mettant en scène sexuellement des enfants», comme l’écrit «Le Parisien». La brigade de protection des mineurs (BPM) a été saisie de l’enquête et les ordinateurs de la star sont encore fouillés. Après la garde à vue de deux de ses amis, l’un d’eux est dorénavant mis en examen pour «diffusion et détention de fichiers pédopornographiques».
A l’heure où nous bouclons cet article, l’état de santé de Pierre Palmade n’avait pas permis pas aux autorités de l’interroger sur cette deuxième affaire. Mais «le parquet de Paris a élargi l’enquête, désormais sous l’autorité d’un juge d’instruction, au chef de «consultation habituelle de sites pédopornographiques». Un délit qui suppose une consultation répétée, et non unique, de contenus illicites. L’enjeu sera, par exemple, de déterminer si le visionnage de ces vidéos présumément pédophiles par l’humoriste, au cours de cette fête filmée, n’était qu’un acte isolé ou un penchant plus fréquent», précise «Le Parisien». Victime d’un AVC le 25 février, sans que le pronostic vital soit engagé, Pierre Palmade ira à l’ombre avant d’être jugé.
Où s’arrêtera la chute?
Pour Céline Lasek, la défense de son client ne fait visiblement que commencer. Mais certains proches semblent déjà avoir prononcé leur verdict. Sa grande complice Michèle Laroque, qui postait encore un message enflammé sur Instagram en août («Il me fait toujours tellement rire et JE L’AIME»), a supprimé toute publication le concernant. «Paris Match» raconte également que Muriel Robin, celle qui a toujours été «comme une seconde mère», s’était ruée à l’hôpital le soir du drame, accompagnée de son épouse Anne Le Nen, sans en connaître les détails. Depuis les résultats des analyses toxicologiques, «elle lui en veut à vie». Le Musée Grévin a retiré la statue à son effigie, une ville de province vient de déprogrammer en urgence l’une de ses pièces. Où s’arrêtera la chute?