Il est né en l’an 2000 et c’est déjà l’un des réalisateurs de clips musicaux les plus recommandés dans l’univers du rap francophone. Retenez son nom, car Adrien Wagner va aller très loin! Le jeune Romand a notamment signé la dernière vidéo du célèbre rappeur belge Damso, qui est sortie le 7 janvier dernier. Le petit chef-d’œuvre, digne d’une production cinématographique, explose avec 5 millions de vues sur YouTube. Alors qu’il a obtenu sa maturité l’année passée à Nyon, Adrien Wagner a déjà une belle carrière de vidéaste à son actif.
>> Le clip de Damso réalisé par Adrien Wagner:
Flash-back. L’apprenti cinéaste a 10 ans et passe son temps libre à consommer des vidéos, à observer les effets de la lumière, à tester des angles avec sa première caméra. «Avec ma cousine et mon petit frère, on tournait des petits films d’espionnage pour le fun», se rappelle celui qui était aussi un régulier du programme «La Lanterne magique».
Quel long métrage a marqué son enfance? Tous les Charlie Chaplin. Et son mentor parmi les réalisateurs? Christopher Nolan, avec son bijou «Interstellar». «J’ai mis une semaine à m'en remettre. Quelle émotion à travers ces images!» Adolescent, Adrien Wagner embrigade ses potes dans ses courts métrages. A l’âge de 12 ans, ils suivent ensemble des stages d’été de cinéma à Aubonne (VD). «Je touchais déjà au montage, coaché par un professionnel formé aux Etats-Unis.» Thé froid à volonté, visionnage de grands classiques, il se rappelle n’avoir jamais eu envie de rentrer à la maison après ces ateliers.
Dans son entourage, personne n’est surpris lorsqu’il frôle très tôt le milieu professionnel du 7e art. En 2015, il s’inscrit au festival Reflex pour jeunes réalisateurs à Visions du Réel. Son documentaire «Loin pour la paix» obtient le Prix du public et une mention spéciale. De quoi attirer l’œil de la scène hip-hop genevoise. Les rappeurs Di-Meh, Makala, Slimka, DeWolph & Co. le repèrent.
>> Lire le portrait de «Di-Meh, la fusée du rap romand»
Discret, Adrien Wagner n’aime pas trop s’étaler. On comprend que son succès, il le doit non seulement à un talent inné mais aussi et surtout à un professionnalisme étonnant pour son âge. A 16 ans, il enclenchait son appareil pour les grandes manifestations: Paléo et la première édition du Beat Festival, qui a accueilli les légendes de la musique urbaine. «Je filmais les «Aftermovies», explique-t-il. Soit les meilleurs moments du concert et l’ambiance festive tout autour.
>> Voir le clip de Rilès réalisé par Adrien Wagner
En 2018, le jour de la fin de l’année scolaire, le rappeur français Rilès le contacte par mail: «Tu viens dans deux jours à Paris pour immortaliser une de mes plus grosses dates devant 50 000 personnes?» Bam, c’est le début d’un été incroyable pour Adrien Wagner, qui est tout juste majeur. Avec le feu vert de ses parents – un père qui travaille dans l’innovation pour les nouvelles thérapies à la Faculté de médecine de Genève et une maman enseignante de sciences –, il rejoint l’artiste sur les routes, enchaîne avec la tournée française. «Toutes nos vacances, je les vivais à travers mon objectif, alors, pour ma famille, c’était une évidence que j’allais me diriger vers l’audiovisuel. Ils m’ont toujours fait confiance», sourit-il. Très sérieux dès qu’il s’agit de son «taf», Adrien Wagner a un seul focus: réaliser les meilleures images possible.
Mais avant d’avoir pu obtenir son statut d’indépendant, il a dû finir le gymnase, option arts visuels. Dès qu’il n’était pas en cours, le vidéaste accumulait de nouvelles expériences de tournage aux côtés cette fois d’Orelsan et d’Eddy de Pretto. En 2019, Rilès lui propose spontanément de réaliser un clip au Maroc. Avec le «music-vidéo» de Queen, Adrien Wagner révèle tout son potentiel artistique.
Aujourd’hui, cet indépendant s’associe aussi à Adeus Productions à Paris, une boîte d’envergure. «J’ai la chance d’être bien entouré et de travailler avec des passionnés», confie-t-il. Il faut dire que son agenda en 2020, malgré le covid, était plutôt rempli: d’une pub pour la marque Puma à Los Angeles à d’autres projets – dont le tournage d’«Incassable» de Lefa, membre du légendaire groupe Sexion d’assaut. La vidéo en question cartonne avec plus de 2,5 millions de vues et remporte le titre de meilleur clip de l’année par Midi/Minuit, un média spécialisé dans le rap.
>> Le clip de Lefa réalisé par Adrien Wagner:
En novembre dernier, la carte blanche de Damso le propulse dans une nouvelle dimension professionnelle. Le Nyonnais collabore avec des carrures internationales – régisseurs, caméramans, chefs techniques – pour donner vie au dernier tube de la star. Le résultat de «911» – avec dans le rôle principal l’actrice Noémie Lenoir – est époustouflant. Pour arriver à une telle qualité dans le rendu, on imagine l’investissement financier ainsi que les ressources humaines nécessaires. Mais Adrien Wagner doit conserver le mystère autour des détails de la production. Il mentionnera quand même le nombre de figurants: 45. Et le fait qu’il est parti un mois en repérage pour trouver les spots d’un tournage digne d’un film hollywoodien. «Tout est millimétré. Chaque décor, chaque lumière. On a même dû bloquer une rue entière pour un plan. Après, on s’accorde aussi à la spontanéité du moment», raconte le jeune cinéaste.
Entre les lignes, on sent que 2021 lui réservera son lot d’adrénaline. Pourtant, du haut de ses 21 ans, Adrien Wagner garde la tête sur les épaules. «On verra à quoi va ressembler cette année. En tout cas, ça me plairait de creuser dans l’univers de la fiction et dans la recherche autour du jeu d’acteurs.»