Une heure et demie d’échanges passionnants, passionnés même, tant elle a de flammes qui brûlent en elle. La politique et l’environnement bien sûr, mais pas que. Son métier de chercheuse en philosophie et en politique environnementale qu’elle a mis en veilleuse depuis son élection au Conseil national, en 2007; les électrices et électeurs vaudois qui lui «ont fait cet immense cadeau du Conseil des Etats en 2019» et qu’elle avait «si peur de décevoir» en annonçant son départ.
La vie qui va et qui vient enfin, cette année post-covid en particulier, qu’elle croque à pleines dents, sans modération. «Sortir, voir du monde, participer de nouveau à des événements culturels, etc. Quel bonheur de retrouver cette légèreté, de quitter ce cauchemar», s’enthousiasme-t-elle.
Elle est comme ça Adèle Thorens. Débordante d’ardeur, de fraîcheur et de vitalité, sa sensibilité de «pacifiste et d’écologiste absolue» toujours à fleur de peau. «Il a fallu une guerre à nos portes pour déclencher une véritable prise de conscience de l’urgence à renforcer notre souveraineté énergétique et alimentaire», se désole-t-elle, dévastée par «cet effroyable conflit». «C’est un message que nous portons depuis longtemps, mais force est de constater qu’il faut attendre d’être dos au mur et dans la douleur pour réagir. C’est à la fois triste et profondément humain, hélas.»
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Allusion à peine voilée aux initiatives et autres lois dites écologiques qu’elle a portées avec tant de force et de foi et qui se sont fracassées contre le mur de l’immobilisme avant de renaître et de triompher sous la pression de la situation géopolitique et du réchauffement climatique. «Preuve qu’en politique rien n’est jamais perdu ou gagné de manière définitive», conclut, philosophe, celle qui a décidé, en août dernier, de dire adieu à son mandat le 30 novembre prochain.
«Ça n’a pas été une décision facile à prendre. J’avais peur que celles et ceux qui m’ont élue, qui me font confiance, se sentent trahis. Mais, sitôt après l’annonce, j’ai reçu une avalanche de messages et de courriers bienveillants. Je me suis sentie soulagée, réconfortée par leur compréhension.»
Tourner la page, renouer avec le quotidien d’une simple citoyenne, vingt et un ans après être entrée au Conseil communal de Lausanne. Une vision jouissive pour la sénatrice. «Faire de la politique n’est pas une fin en soi. Et puis, il y a tellement longtemps que je vis à 200 à l’heure. Depuis le Sommet de la Terre, à Rio, en 1992», confie la présidente de Suisse Rando, en esquissant son futur avec des étoiles dans les yeux.
«J’ai hâte de retrouver la nature, de me ressourcer, de redevenir une mère et une épouse «normales» pour mon mari et ma fille de 12 ans. De réapprendre le sens du mot «loisir» aussi et d’avoir le temps de prendre du recul sur les événements, de réfléchir. Tout le contraire de la politique, qui vous maintient dans un degré d’urgence aiguë et vous oblige à sans cesse prendre des décisions impactant la vie des gens. Ce qui, personnellement, me laisse dans un grand stress. Etait-ce la bonne option? La plus juste? La plus bénéfique? Ces questions hantent ma conscience de philosophe et d’éthicienne.»
A 51 ans, la native de Soleure ressent donc le besoin d’ouvrir un nouveau chapitre. Dans quel domaine? «Laisser une planète vivable à nos enfants a de tout temps été mon moteur. Je ne peux donc pas imaginer que la protection de l’environnement ne reste pas le centre de ma vie», devise-t-elle, un brin mystérieuse, en déclarant toutefois son amour pour l’enseignement et la recherche, qu’elle pratiquait naguère. «Je ne me sens pas vieille du tout et je n’ai aucun complexe face à mon âge. Au contraire, j’adore me retrouver dans une salle où je suis la plus âgée, comme à l’Université de Lausanne, où j’enseigne quelques heures par semaine. Donner aux plus jeunes les outils pour continuer notre engagement en matière de durabilité et d’environnement est tellement gratifiant…»