Magnifique, Adele l’a toujours été. On ne parle pas de sa voix, source de tous les dithyrambes des critiques musicaux de notre ère, mais bien de son physique. Un visage aux pommettes saillantes et à la bouche pulpeuse, illuminé par de grands yeux prompts à s’embuer ou à se plisser de rire. Du haut de son mètre 75, la chanteuse s’est hissée en douze ans au sommet des hit-parades à la force de son chant et de son piano, systématiquement vêtue et maquillée, lors de ses concerts et de ses apparitions publiques, d’un glamour à l’ancienne.
Serait-ce déplacé d’avancer que sa silhouette a participé à sa popularité? Dans une industrie dont les mégastars, à l’instar de ses consœurs américaines Beyoncé, Rihanna ou Ariana Grande, affichent une plastique impeccablement lisse et tonique, la Britannique détonne. Ses kilos en trop la rendent plus accessible. Sans parler de sa spontanéité et de son émotivité. Des traits de caractère qui, loin des minauderies d’une Taylor Swift engluée dans des embrouilles de collégienne avec ses ex, ses copines ou encore Kanye West et Kim Kardashian, la rendent attachante.
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Adele, c’est celle qui retient ses larmes en interprétant, lors des Brit Awards en 2011, «Someone Like You», la chanson monstre qui la fait entrer dans le cercle des plus grandes interprètes. «J’ai eu une vision de mon ex me regardant à la télé, en train de rigoler parce qu’il savait que c’était à cause de lui que je pleurais et se disant: «Ouais, elle est toujours complètement accro.» Et puis tout le monde s’est levé, et ça m’a submergée.» Qui pleure en recevant l’Oscar pour la chanson-titre du James Bond «Skyfall» en 2013. Qui remet ça à la fin de sa dernière tournée mondiale – 107 concerts à guichets fermés en dix mois – à Wellington en 2017.
Celle aussi qui n’hésite pas à s’affubler d’un faux nez pour se mêler à un concours de sosies d’elle-même lors d’une soirée spéciale de la BBC pour la sortie de son deuxième opus, «25», en 2015. Qui se montre grimaçante sur Instagram, en train de soulever des haltères sous le regard de son coach sportif d’alors, Pete Geracimo. Qui est surprise en train de se piquer la ruche, mêlée à d’autres fêtards, avec sa grande copine Jennifer Lawrence dans un bar gay de New York. Celle qu’on aurait envie de croire quand elle assure que «l’argent n’a jamais vraiment été important», malgré une fortune estimée à 180 millions de francs.
Oui, mais voilà, Adele a changé. Elle a maigri. Beaucoup maigri. En décembre, elle apparaît sur Instagram en vamp amincie. En janvier, une fan qui l’a croisée en vacances dans les Caraïbes partage quelques confidences. «Elle est venue s’asseoir à notre table. Elle a raconté qu’elle avait perdu quelque chose comme 45 kilos, et que c’était une expérience incroyablement positive. Elle avait l’air si heureuse, superbe, très sûre d’elle.»
Début mai, en plein confinement, elle réapparaît sur Instagram avec une photo la montrant en pied, petite robe noire et taille de guêpe. Elle y remercie ses followers pour leurs vœux – elle vient d’avoir 32 ans – sans oublier de saluer le personnel soignant engagé sur le front de la pandémie, tout comme elle évoquera, début juin, la mémoire de George Floyd et la lutte contre le racisme. La photo récolte plus de 11 millions de likes. «Tu te fous de moi ou bien?»: la réaction spontanée, entre stupeur et admiration, de Chrissy Teigen, épouse du musicien John Legend et hyperactive sur les réseaux sociaux, résume le sentiment général.
Depuis, c’est l’hystérie. Les magazines people et féminins comme les réseaux sociaux ont multiplié articles et interventions sur cette transformation. Des proches se sont offert des miettes de la retombée médiatique en saluant les efforts de leur amie, distillant leurs rares clichés personnels de la métamorphosée. Sans parler des entraîneurs physiques avec lesquels elle a travaillé, qui y vont de leurs recommandations. Parallèlement, les réactions négatives fleurissent. «La grosse Adele me manque», se désole une fan sur YouTube – où la vidéo du single «Hello» a dépassé les 2,6 milliards de vues.
Certains accusent l’artiste d’avoir cédé aux sirènes de l’apparence et plié devant la grossophobie ambiante: en clair, Adele aurait trahi la cause des femmes en surpoids. Un déluge de reproches qui pousse l’entraîneur Pete Geracimo à voler à son secours. Sur Instagram, il écrit: «C’est décourageant de lire ces commentaires négatifs (...) qui remettent en question l’authenticité de son admirable perte de poids. De mon expérience de travail avec elle, faite de beaucoup de hauts et de bas, elle n’a jamais écouté qu’elle-même et toujours su ce qu’elle voulait (...) Elle a toujours été elle-même, se montrant sans fard. Et on a tous ADORÉ ça!»
Déterminée, pour ne pas dire dotée d’une détermination acharnée, il faut l’être pour réussir un parcours tel que le sien. Si ensorcelante soit-elle, sa voix seule n’aurait pas suffi à celle qui n’a jamais hésité à saluer l’influence des Spice Girls tout comme celle de la prodige de gospel américaine Etta James sur son envie de faire carrière dans la musique. Les journalistes ont rarement hésité à l’interroger sur son physique, ce qui, à ses débuts, la laisse interloquée. «L’attention portée à mon apparence m’a vraiment étonnée. J’ai toujours fait du 42 ou du 44.» Ou encore: «J’aime apprêter mon visage et mes cheveux, mais je ne vais pas perdre de poids parce qu’on me le suggère. Je fais de la musique pour être musicienne, pas pour faire la une de Playboy.»
Si elle se livre sur elle-même et sur son parcours, la jeune femme protège farouchement sa vie privée. On en connaît les dates clés: la naissance de son fils Angelo en 2012 (elle évoquera ouvertement sa dépression postnatale), le mariage avec le papa, Simon Konecki, entrepreneur et philanthrope, en 2016, et puis le divorce l’année dernière. Dans la foulée, elle acquiert à Beverly Hills, dans l’enclave protégée de Hidden Valley («vallée cachée»), où elle a pour voisines Jennifer Lawrence et Katy Perry, une seconde propriété pour son ex-compagnon. Très loin de la banlieue londonienne de Tottenham où elle a été élevée par une mère célibataire. Devenue mère à son tour, Adele aurait puisé en Angelo l’impulsion de changer. «C’est facile de se concentrer sur sa transformation physique, mais c’est plus que ça», confiait une «source proche» au magazine People en début d’année. «Elle savait qu’elle devait changer son hygiène de vie pour être en meilleure santé possible pour son fils.» Selon les dernières rumeurs, Adele serait devenue copine avec Harry et Meghan, nouveaux arrivés à Hidden Valley, leur recommandant l’école enfantine d’Angelo pour Archie. De sa romance présumée, et désormais terminée, avec le rappeur Skepta, lui aussi natif de Tottenham, pas une image n’a fuité.
Nul doute que les tractations vont bon train pour décrocher sa première interview d’après-perte de poids. Nous, on parie que ce sera pour la une du Vogue américain de septembre, le numéro le plus important de l’année. D’autant que, elle l’a promis, son quatrième album doit sortir à la rentrée. Après «19», «21» et «25», soit l’âge qu’elle avait lors de leur sortie, «32» promet de signer non pas le renouveau, mais bien la suite de l’étincelante trajectoire d’Adele. Kilos en trop ou pas.