Quelque part dans une forêt de La Côte vaudoise, Laurence Sachot encourage sa petite chienne toute frisée, qui furète avec ardeur autour d’un arbre: «Cherche, Hysope! Elle est où, la coquine?» Après quelques tentatives infructueuses dans le silence boisé, la dame de Féchy (VD) s’exclame soudain: «Mais oui, bravo, tu l’as eue!» Et saisit la petite boule sombre que le canidé au nom de plante a dénichée dans la terre humide de septembre. Puis elle rebouche soigneusement le trou créé.
Dans le match entre la truffe de la chienne et la truffe dans la terre, la première marque un point. Chercheuse depuis une dizaine d’années, productrice passionnée, sa maîtresse s’empresse de la câliner et de la récompenser. Pour la lancer vers d’autres recherches, elle devra prononcer un mot magique, convenu entre elles, qui déclenchera la prochaine quête.
L’oeil aiguisé, cette caveuse (ramasseuse de truffes) et trufficultrice reconnue, qui appartient à l’Association suisse romande de la truffe (ASRT), part en recherche en forêt plusieurs fois par semaine. Les arbres les plus susceptibles d’accueillir ces trésors gustatifs sont les chênes, mais aussi les noisetiers, les charmes, les tilleuls, les bouleaux, les pins noirs d’Autriche. «Surtout pas les arbres fruitiers», précise-t-elle. Les meilleurs endroits, qu’elle garde secrets, elle les repère désormais «à l’instinct», avec l’habitude.
En cette période de l’année, place à la recherche de Tuber uncinatum, ou truffe de Bourgogne, la variété la plus fréquente chez nous. Pour qu’elle pousse, tout comme la truffe mésentérique, il faut de l’ombre et un terrain plutôt calcaire. Cette année, on apprend à se contenter de peu. La sécheresse estivale produit des truffes toutes menues. Pendant les huit mois que dure la maturation, l’idéal aurait voulu que la pluie tombe environ tous les quinze jours; on est resté loin du compte en 2022.
Cependant, comme l’eau est venue ensuite, tout pourrait bientôt s’arranger grâce à une autre variété, pourtant très rare, Tuber melanosporum, ou truffe du Périgord. Celle-ci, qui apprécie les espaces plus ensoleillés, se récolte de décembre à mars, avec une préférence pour janvier et février. «On remarque que les bonnes années de truffes de Bourgogne sont souvent suivies de mauvaises de melanosporum, et vice versa. Alors oui, on espère», dit Laurence Sachot, qui accepte que la nature gouverne. Patiente, elle aime partir seule en nature, entretenir la complicité avec son chien, qui le lui rend bien. Côté calibre, la taille n’est d’ailleurs pas un critère de qualité. Mais la consistance l’est. Il s’agit de remettre dans la nature les tubercules mous. Tomber sur une truffe rongée représente même un bon signe, car les campagnols et les limaces choisissent de manger les meilleures.
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