Un guide à consulter sur la route et à lire chez soi
«Pour s’émerveiller, pourquoi partir loin?» se demande l’auteur de polars Marc Voltenauer. La Suisse est un trésor et les Alpes vaudoises, où il vit, l’un de ses joyaux. En cosignant avec son compagnon, Benjamin Amiguet, le guide des 111 lieux des Alpes vaudoises à ne pas manquer, il propose d’étonnantes découvertes à nos portes. Connaissez-vous le Creux d’Enfer, les lapiaz de Famelon ou le lac Pourri? Au hasard des 230 pages flotte ici et là un parfum de mystère, les textes ciselés et leurs photos vous embarquent instantanément. On y apprendra dans quel chalet Lénine aurait fomenté la révolution russe et où a été fabriqué un ressort qui s’est envolé pour la planète Mars.
L’ouvrage, très documenté, a nécessité deux ans de travail. Il se lit comme un recueil d’histoires autant qu’il se consulte en chemin. «L’idée était d’éviter des lieux trop souvent répertoriés, commente le romancier. Et, s’ils le sont, nous en parlons de manière insolite.» Ainsi, le château d’Aigle devient le cadre d’une terrifiante et véridique chasse aux sorcières où des malheureuses furent torturées et brûlées. «Nous avons rencontré des dizaines de témoins: historiens, géologues, artisans, éleveurs ou biologistes.» Si elles donnent parfois le frisson – le banc du Muveran nous promet la terreur et le sublime –, les destinations enchantent à coup sûr. La nature s’offre, abondante, reposante, majestueuse, parfois au prix de quelques efforts.
Ce guide, dont «L’illustré» a sélectionné 22 étapes, fait aussi appel à nos sens. Il parlera aux gourmands, ravis de découvrir des producteurs de viande, de fromage, de chocolat ou de miel. Le jardin Schusselé, écrin aux 316 variétés de roses, enivrera les visiteurs. Enfin, s’il fallait un plaisir de l’ouïe, au sifflement des marmottes ou aux cloches des yacks au-dessus des Mosses on ajoutera le Musée suisse de l’orgue et une touche patriotique avec l’atelier d’un facteur de cor des Alpes. Bonne lecture et bonne route!
* «111 lieux des Alpes vaudoises à ne pas manquer», de Marc Voltenauer et Benjamin Amiguet, Ed. Emons, 230 p., 26 fr. 30, parution le 14 avril 2022.
1. Le château d’Aigle: Au temps des sorcières
Du XVe au XVIIIe siècle, le Pays de Vaud a connu de terribles chasses aux sorcières. Près de 3000 personnes furent poursuivies, dont deux tiers finirent sur le bûcher. Malgré la Réforme, en 1536, la conviction de devoir lutter contre les forces du mal resta vive. Les méthodes de l’Inquisition furent également employées par la justice laïque durant la période bernoise. Leurs Excellences au château d’Aigle ne firent pas exception.
En 1600, consternés par le nombre excessif de procédures de sorcellerie et d’aveux obtenus sous la torture, les Bernois édictèrent des règles afin de «protéger les innocents». La torture ne devait être pratiquée qu’en cas de soupçons graves; les supplices extraordinaires ont été interdits, sauf sur ordre contraire; la torture ordinaire – la suspension de l’accusé, aux pieds duquel pouvaient être attachées des pierres – demeura autorisée. Avant de l’exécuter, les juges avaient l’obligation de demander au condamné qu’il confirme les aveux obtenus sous la torture. Le sort s’acharna contre Françoise Augy. Lorsqu’elle fut amenée en 1657, à 60 ans, devant le gouverneur Gabriel de Diesbach dans la salle de justice du château d’Aigle, on découvrit la marque satanique sur son ventre. Soumise à la torture, elle avoua avoir vu Satan vêtu de violet. Il aurait exigé qu’elle devienne sienne, lui aurait remis une graisse appelée pusset pour faire mourir bêtes et hommes et l’aurait conduite à Bex où elle aurait participé aux sabbats d’une secte. Condamnée pour avoir renié Dieu, donné la mort à plusieurs animaux et ensorcelé des personnes, elle eut la tête tranchée avant d’être brûlée au lieu-dit En Châlex, non loin du château.
Adresse: Place du Château 1, 1860 Aigle, 024 466 21 30. Le monument aiglon abrite le Musée de la vigne, du vin, de l’étiquette, et de nombreuses expositions temporaires. www.chateauaigle.ch.
2. Au Diable Vert: Pour retrouver son âme d’enfant
Ce n’est pas un hasard si, à l’entrée de ce lieu féerique, on tombe sur la maison de Hansel et Gretel. «Quand les enfants entrent dans le jardin, nul besoin de mode d’emploi. Ils ne sont pas formatés, tandis que l’adulte doit d’abord retrouver son âme d’enfant», raconte Dominique Mottet, géobiologiste. Avec sa femme Magali, jardinière, horticultrice, conteuse et écrivaine, ils ont conçu un jardin à leur image: «Il s’inscrit dans une démarche initiatique avec des points énergétiques où l’on se décharge émotionnellement et où l’on se charge énergétiquement», explique Magali. Les sens en éveil, on y chemine pour se connecter à l’essentiel, guidé par l’énergie des plantes, des arbres et des êtres élémentaires qui peuplent ce lieu magique. Qui est en communion avec la nature, à l’écoute de ses ressentis, rencontrera à coup sûr un nain au détour d’un sentier.
«Les êtres élémentaires nous parlent. Ils nous aident à retrouver notre équilibre», confie Dominique. Car, selon lui, le monde ne s’arrête pas au seul monde physique. Pourquoi se limiter? Une dimension plus subtile s’ouvre à nous. Prendre conscience que nous partageons le monde du vivant avec la nature et les animaux permet de se reconnecter à son être intérieur. Sara, leur fille, archéologue et historienne, peint sur toile et sur les murs de la maison des motifs d’elfes et de lutins. Elle tire aussi les runes pour dénouer les nœuds et éclairer les carrefours de vie. Dans une maison de Hobbits tout droit sortie de l’univers de Tolkien, on boit une tisane faite de plantes du jardin médiéval avant d’aller explorer la boutique. Enchanteur!
Adresse: Route de Magny 49, 1880 Bex, 024 463 30 38. www.audiablevert.ch.
3. Le lac Pourri: Quiétude gagnée de haute lutte
Sur les crêtes, une harde de chamois paît en toute insouciance. La rumeur de la cascade se fait berçante. L’eau fraîche et cristalline des dernières neiges ravive la teinte verdâtre du lac. Au pied des Tours d’Aï et de Mayen, quelques colverts barbotent. Autour, le jaune des populages avoisine le vert tendre des laîches. Les libellules virevoltent. Quelle tranquillité! On s’étonne alors de trouver pareil lieu quand, pour y accéder, il a fallu passer devant la place d’armes du Petit Hongrin, franchir une trentaine de ponts spécialement conçus pour faciliter le déplacement des troupes et des blindés et s’assurer que la zone était libre de tout exercice militaire.
La quiétude de la vallée de l’Hongrin et la préservation de ses milieux naturels humides, on la doit en grande partie à l’armée, propriétaire majoritaire. Depuis l’acquisition des premiers alpages par le Département militaire fédéral dans les années 1960, ce sont ses efforts, combinés avec ceux des communes et des associations de protection de la nature, qui ont permis de conjuguer les besoins de l’armée, de l’économie alpestre et de l’écologie. Un événement marquant dans l’histoire de la préservation de l’environnement est l’approbation de l’initiative Rothenthurm pour la protection des marais en 1987. L’enjeu était d’interdire à l’armée d’agrandir une place d’armes sur la plus grande zone marécageuse de Suisse.
Adresse: Argnaule, 1856 Corbeyrier. Accès: Autoroute A9 sortie 17 Aigle, suivre Château-d’Œx jusqu’à La Lécherette, prendre la route de l’Hongrin et celle des Agites (13 km); parking près de l’indicateur pédestre, puis à pied (20 min).
4. Les narcisses de Nermont: Un royaume en péril
La saison des narcisses sur les hauts de la Riviera vaudoise est connue loin à la ronde depuis plus d’un siècle. Si la Belle Epoque lui a conféré ses lettres de noblesse, c’est durant l’entre-deux-guerres que la popularité de cette floraison a atteint son apogée. De 1897 à 1957, la Fête des narcisses vint couronner la fin de la saison touristique et finit par sacrer cette espèce comme la reine des fleurs. Des concours populaires étaient organisés pour en trouver le plus au mètre carré (entre 1500 et 2000 fleurs). Pour 1 franc symbolique, les amoureux de la nature pouvaient en cueillir une brassée. Ce temps de l’insouciance est désormais révolu. Alors que, pendant des décennies, les activités humaines ont favorisé l’extension de son royaume, le narcisse voit aujourd’hui son territoire se réduire à quelques prairies éparses. Urbanisation, reforestation ou mutation des pratiques agricoles exercent une forte pression sur les milieux naturels. Depuis 1999, l’association Narcisses Riviera s’active à la sauvegarde de ce patrimoine au travers de nombreuses activités, dont la promotion touristique d’itinéraires balisés. Des rangers patrouillent sur ces derniers pour sensibiliser les promeneurs à la préservation de ce joyau.
Relier Haut-de-Caux aux Avants par la prairie du Nermont permet encore d’admirer le phénomène de la «neige de mai» dans tout son éclat. Pendant quelques semaines, des myriades de corolles blanches recouvrent alors les pentes. Avec le lac Léman, immuable, en toile de fond, on s’incline devant cette éphémère beauté.
Adresse: 1824 Caux. Accès: A Haut-de-Caux, suivre les itinéraires balisés. Panneau d’information au parking. www.narcisses.ch.
5. L’île des Ouges: Petit bijou de la Sarine
La zone alluviale de la Sarine, au sud du village de Château-d’Œx, passe presque inaperçue. Les nombreux promeneurs qui franchissent le pont Turrian – plus ancien pont suspendu de Suisse romande, construit en 1883 –, en direction de la cascade du Ramaclé, n’y prêtent guère attention.
Pourtant, les galets sont les joyaux de cette promenade familiale. La Sarine les façonne telle une orfèvre minutieuse. Grâce à la dynamique naturelle de la rivière et à la très faible pente des environs, un tronçon de 2 km continue de se métamorphoser au rythme des crues et des périodes d’étiage. Sans prévenir, l’eau peut déplacer le lit principal de la rivière, charrier des sédiments, dont l’accumulation constituera de nouveaux bancs de gravier, ou emporter berges, arbres et nids dans sa fureur destructrice. Apaisée, la rivière laisse alors la végétation reconquérir son territoire. Les pétasites hybrides, aulnes blancs et saules drapés s’y implantent rapidement et offrent des habitats à toute une faune impatiente. Ce cycle ne subit presque aucune influence humaine.
Depuis 1989, l’île des Ouges est une réserve de Pro Natura. Ce minuscule espace est l’un des derniers sites de nidification du chevalier guignette dans le canton de Vaud. Le petit échassier y fait l’objet d’une observation attentive pour tenter de maintenir des conditions qui lui sont favorables, ce qui profite à d’autres espèces, dont le petit gravelot et le cingle plongeur. Depuis 1850, environ 90% des zones alluviales ont été détruites en Suisse. Leur protection ne date que de 1992.
Adresse: 1660 Château-d’Œx. Accès: Par la route des Monnaires, suivre l’itinéraire pédestre en direction de la cascade du Ramaclé (15 min). www.pronatura-vd.ch.
6. Le vallon d’Entre la Reille: Sur la piste des marmottes
Au cœur du domaine skiable de Glacier 3000, la piste Red Run qui relie le Scex Rouge, situé à 2971 m, à Reusch, 1600 m plus bas, est la plus longue des Alpes vaudoises avec ses 8 km. Elle traverse de part en part le vallon d’Entre la Reille, aussi appelé Martisberg: la montagne aux marmottes en allemand.
Dès le printemps, les premiers sifflements retentissent dans le vallon. A peine réveillées, les marmottes s’affairent dans la combe à la recherche de leur pitance. En mai, c’est la période du rut. Combats et conquêtes s’enchaînent, il y va de la survie de la colonie. Les marmottons naîtront environ trente jours plus tard. En juin, lorsque arrivent les premiers randonneurs, les rongeurs sont apaisés. Leur seule véritable préoccupation est d’accumuler des réserves de graisse pour l’hiver. Il leur faut 1 kilo de végétaux par jour. Ces sentinelles attentives crient l’alerte dès que l’approche d’un humain se fait trop insistante ou qu’un aigle les survole. En été, il y a d’autres centres d’intérêt que les marmottes. Par sa riche flore alpine – la très rare saxifrage penchée et l’emblématique edelweiss –, le secteur attire les passionnés de botanique. A noter la cabane des Diablerets, les imposantes parois rocheuses et le célèbre Peak Walk, seul pont suspendu au monde qui relie deux sommets.
Adresse: Col du Pillon, 1865 Les Diablerets, 024 492 33 77. Une très belle randonnée qui relie la station du Scex Rouge à Reusch permet de découvrir le vallon (9 km, 3 h). Il est également possible de la commencer à la station intermédiaire de Cabane. Le sentier traverse la réserve Pro Natura Martisberg et se termine dans la pittoresque vallée de l’Oldebach, dans le canton de Berne. www.glacier3000.ch.
7. Le Mont-d’Or: Le sommet le plus central des Alpes vaudoises
On ne dénombre aucun volcan sur le territoire qu’occupe la Suisse aujourd’hui, bien que l’on trouve des traces de basalte métamorphisé dans la pillow lava (lave en coussins) sur certains sommets, notamment les dents du Rimpfischhorn et qui attestent d’une activité volcanique. C’est une certitude qui remonte à la formation des Alpes, il y a 100 millions d’années. Avec sa forme caractéristique, le Mont-d’Or possède néanmoins, selon le point de vue – depuis le village de La Forclaz par exemple –, une ressemblance apparente avec certains volcans d’Auvergne. Nombreux sont les randonneurs qui s’en amusent d’ailleurs durant la marche d’approche.
Du haut de ses 2174 m, le Mont-d’Or offre une belle récompense: son panorama. Au cœur des Alpes vaudoises, c’est le sommet le plus accessible, à pied, pour embrasser d’un seul regard toute la région. Au sud, la chaîne du Muveran et le massif des Diablerets, avec son sommet à 3209 m qui en fait le point le plus élevé du canton de Vaud; à l’ouest, les Tours d’Aï (2330 m) et de Mayen (2326 m), ainsi que les lapiaz de Famelon; au nord, les Rochers de Naye (2042 m), la chaîne des Vanils et celle de la Gummfluh; à l’est, enfin, la chaîne du Chaussy et le mythique Pic Chaussy (2351 m).
Pour témoigner de son passage sur ce site emblématique des Alpes vaudoises, un livre d’or est à disposition dans un bidon à lait. Lait qui, à moins de 64 km de là, à vol d’oiseau, dans le massif du Jura, sert à la fabrication d’un fameux fromage dont le nom est emprunté à un autre Mont-d’Or. Appelé Mont d’Or côté français et Vacherin Mont-d’Or côté suisse, ce fromage à pâte molle est une spécialité vaudoise AOP.
Adresse: Col de la Pierre-du-Moëllé, 1863 Le Sépey. Accès: Du col, sentier balisé jusqu’au sommet (1 h 30). www.aigle-leysin-lesmosses.ch.
8. Les Leysalets: Une idylle alpine
C’est un écrin de verdure à 1331 m d’altitude, au fond d’un cirque rocheux, qui accueille le chalet d’alpage des Leysalets, au cœur de la Pierreuse, la plus grande réserve naturelle de Suisse romande. Elle englobe 34 kilomètres carrés de paysages typiquement préalpins et s’étend de la chaîne de la Gummfluh au Pic Chaussy. Alexandre et Julie Henchoz, un jeune couple d’agriculteurs, y passent quelques semaines chaque été avec leurs trois enfants. Avec le lait de leurs 35 vaches simmental, ils produisent plus de 120 meules de L’Etivaz par saison. La riche flore alpine des pâturages de la réserve confère au lait un délicieux arôme d’herbes naturelles qui se retrouve dans le fromage. Son côté fumé provient de l’épicéa utilisé pour chauffer le lait caillé dans un immense chaudron de cuivre.
La Pierreuse est un bel exemple de cohabitation entre l’agriculture et la protection de la nature, un équilibre ancestral que Pro Natura cherche à valoriser: les vaches paissent sur les pâturages qui s’étagent de 1200 à 1800 m, ce qui évite l’embroussaillement, alors que les herbes de haute altitude des pelouses alpines sont réservées aux animaux sauvages. Lieu enveloppé de mystère avec ses nombreuses légendes de servans (lutins bénéfiques), fées ou nitons (petits diables) qui peuplent cette région reculée, la réserve regorge de richesses au niveau de sa faune et de sa flore. Il ne faut pas manquer le féerique Gour de la Plâne, une résurgence d’eau glacée et cristalline bordée de tapis de mousse flottants. Le lac limpide se transforme un peu plus loin en une rivière, l’une des deux sources de la Gérine. A défaut de rencontrer le discret tétras-lyre ou petit coq de bruyère, on pourra peut-être entendre, au mois de mai, son chant monotone et poignant.
Adresse: Les Leysalets, 1660 Château-d’Œx. Accès: De Gérignoz, poursuivre à pied par la route de la Pierreuse (1 h). www.etivaz-aop.ch.
9. L’atelier de découpage: Quand la modernité rencontre la tradition
«Mes racines», c’est ainsi que Corinne Karnstädt a intitulé son premier grand découpage réalisé en 2008. On y perçoit déjà ce qui deviendra sa marque de fabrique: une touche féminine et un brin citadine. Dans ses poyas, parmi les chalets, les vaches et les armaillis, figurent donc souvent des miss en talons aiguilles. Ses racines, elle les retrouve pleinement en 1998 lorsqu’elle s’installe, avec son mari et leurs deux garçons, dans la maison familiale de ses arrière-grands-parents, où elle passait ses vacances lorsqu’elle était enfant.
Ancienne assistante dentaire, elle a également travaillé chez un antiquaire de la région. La proximité quotidienne d’objets traditionnels sera un déclic. L’artiste découpeuse sur papier a débuté par la peinture de poyas sur bois, puis a réalisé sa première pendule poya. Au fil des années, elle s’essaie à l’art du papier découpé. Une passion naît. Le matériel nécessaire est élémentaire: un crayon gris, une gomme, des feuilles de papier – noires d’un côté, blanches de l’autre – un sous-main, des ciseaux ou un cutter.
Patience, rigueur et méticulosité sont la règle. Mais le découpage, c’est avant tout posséder un bon coup de crayon. «C’est le dessin qui fait l’artiste», confie Corinne Karnstädt avant de poursuivre: «A chacun son style, il y a de la place pour tout le monde.»
L’art du découpage sur papier peut être résolument moderne et se démocratiser. En effet, les initiations et les cours ont le vent en poupe. A l’instar de la sémillante découpeuse, plusieurs artistes reconnus proposent ces activités au Pays-d’Enhaut. Le meilleur moyen d’éprouver son habileté à cet art est encore de s’y essayer.
Adresse: K’Création, route de la Gare 2, 1660 Château-d’Œx. www.kcreation.ch.
10. Le banc du Muveran: De la terreur au sublime
«Peut-être ne se fait-on pas une idée complète de ce que les Alpes peuvent offrir d’énergiques horreurs si l’on n’a pas parcouru ces flancs bouleversés. Et pourtant le Muveran est une de ces montagnes auxquelles on s’attache.» Tels sont les mots de l’écrivain vaudois Eugène Rambert. Au travers du Muveran, c’est toute l’histoire de la découverte des Alpes que l’on peut raconter. Rien de mieux que de s’asseoir sur le «banc du Muveran», agréable halte sur le sentier des Luex, situé juste au-dessus du village des Plans-sur-Bex, pour s’imprégner de quelques événements de cette épopée.
Jusqu’à la Renaissance, les Alpes sont un locus horribilis, lieu de terreur oublié de Dieu, peuplé de loups sanguinaires et d’ours affamés. Puis, à la fin du XVIIIe siècle, survinrent le romantisme et les voyages initiatiques de jeunes aristocrates à travers l’Europe. Prémices du tourisme. A cette époque, c’est la littérature qui inspire les voyages et incite à la découverte des Alpes. D’abord, il y eut Albert de Haller (1708-1777), grand naturaliste à qui l’on doit le recueil de poèmes Les Alpes. Puis Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), avec Julie ou la nouvelle Héloïse, qui consacra de belles pages à la gloire de la chaîne de montagnes. Le «doux vertige» ou la «terreur délicieuse» des Alpes décrits par de Haller ou par le philosophe irlandais Edmund Burke (1729-1797) conférèrent leurs lettres de noblesse aux terribles montagnes d’antan. Le flux de visiteurs ne s’est jamais tari.
Du haut de ses 3051 mètres, le Grand Muveran nous rappelle à son bon souvenir. Son imposante stature aux contours sévères a quelque chose de titanesque. Flamboyant au soleil couchant, il demeure inoubliable. Quittons ce banc, car on risquerait de s’y ankyloser. L’histoire s’écrit au présent et le tour des Muverans, randonnée fabuleuse, fait 54 kilomètres…
Adresse: 1880 Les Plans-sur-Bex. Accès: A l’intersection de la route du Muveran et de la route du Village, suivre les panneaux pédestres «Tour des Luex» (20 min).
11. Notre-Dame des-Neiges: La chapelle des enfants
En arrivant au vallon des Plans, on est saisi par le charme de cette chapelle alpestre au toit en tavillons qui trône dans un écrin de verdure, au pied du Lion d’Argentine et du Grand Muveran. Elle doit son nom à la plus ancienne basilique romaine consacrée à Marie. La légende raconte que la Vierge est apparue en songe au pape Libère et lui a demandé d’ériger un sanctuaire sur l’une des sept collines de Rome. Le lendemain, 5 août 356, il neige en plein été. Le souverain pontife y voit un signe céleste. L’église portera le nom de Sainte-Marie-aux-Neiges et deviendra plus tard Sainte-Marie-Majeure. Le chanoine Jaud, directeur de l’école Saint-Louis-de-Gonzague, à Paris, avait acheté un terrain avec chalet situé au lieu-dit En Mamont pour permettre à ses élèves de profiter du bon air et du cadre qu’offrait ce vallon, mais il y manquait un sanctuaire. Il bâtit une chapelle. Sa construction fut confiée à trois artisans des Plans. Comme elle se situe à 1100 m d’altitude, elle est dédiée à Notre-Dame-des-Neiges. Après le décès du chanoine, la propriété est léguée à la paroisse de Bex qui, endettée, renonce à cet héritage. L’évêque du diocèse l’acquiert et en fait son lieu de villégiature estivale. Durant les travaux de l’usine électrique de la Peuffeyre, il s’engage auprès des familles des ouvriers italiens et donne le catéchisme à leurs enfants. En 1928, il fait don de la propriété aux paroisses du district pour en faire une colonie de vacances. Fidèles à leur vocation première, la chapelle et le chalet accueilleront des enfants pendant près de quarante ans.
Adresse: Route de Mamont, 1880 Les Plans-sur-Bex. En été, la messe y est célébrée tous les dimanches. Fête de Notre-Dame-des-Neiges le 5 août.
12. Les lapiaz de Famelon: Des abîmes aux cieux
Le plus vaste champ de lapiaz du canton de Vaud se trouve au-dessus de Leysin: les lapiaz de Famelon, du nom de la tour qui trône à l’est de ce fascinant labyrinthe. Cette formation géologique, produite par le ruissellement de l’eau sur la roche calcaire, comporte plusieurs particularités. Sillonné de failles, de trous et de crevasses, le réseau souterrain y est très développé. Dans la combe du Brion, on compte cinq orifices où seuls les spéléologues téméraires oseront s’engager. La première expédition dans le gouffre du Chevrier remonte à 1925. En 1957, le fond parut être atteint à -510 mètres, ce qui permit à ce gouffre de rester le plus profond de Suisse jusqu’en 1966, date à laquelle il fut dépassé par la cavité du Hölloch, dans le canton de Schwytz.
Une fois le fond de l’abîme sondé, rien de tel que de prendre un peu de hauteur. Au nord de la tour de Famelon, le bois de la Latte est l’unique forêt d’aroles (Pinus cembra) en terres vaudoises. Du fait de la variété des formes karstiques aux alentours, ce paysage gris-vert vaut le détour. On y hume l’odeur particulière du pin et on y observe le casse-noix moucheté en train de s’approvisionner en amandes dénichées dans les pives qu’il cache en prévision de l’hiver. Son envol invite à gravir les rochers pour atteindre le lapiaz de Truex. La vue à 360 degrés sur le Léman ainsi que sur les Tours d’Aï et de Mayen y est à couper le souffle. C’est un peu le milieu du monde, comme l’annonce fièrement un panneau qui explique la ligne du partage des eaux, qui se séparent ici vers les mers du nord par le Rhin et vers les mers du sud par le Rhône.
Adresse: 1854 Leysin. Plusieurs itinéraires de randonnées possibles. www.aigle-leysin-lesmosses.ch.
13. L’atelier de cor des Alpes: Un son mythique qui emplit les cœurs
Imaginez le fameux Ranz des vaches joué par un cor des Alpes sur un alpage verdoyant! Le son est magique. Dans son Dictionnaire de la musique, Jean-Jacques Rousseau explique que tout mercenaire suisse au service des rois de France enrôlé comme musicien de garnison surpris à jouer ou à chanter cet air était passible de la peine de mort, «parce qu’il faisoit fondre en larmes, déserter ou mourir ceux qui l’entendent, tant il excitoit en eux l’ardent désir de revoir leur pays».
A l’origine, on utilisait le cor des Alpes pour appeler les troupeaux, pour communiquer d’une vallée à l’autre ou prévenir des dangers. Le soir venu, avec sa sonorité douce et solennelle, il servait à la prière. François Morisod, l’un des rares à vivre du métier de facteur de cor des Alpes, s’adonne à sa passion depuis vingt ans.
«Autrefois, le cor était fabriqué d’un seul morceau de sapin rouge poussant à flanc de montagne. Il se couche à cause du poids de la neige. Cela lui donne une forme arrondie, parfaite pour un cor.» Aujourd’hui, c’est dans l’atmosphère mystérieuse d’une forêt d’épicéas que commence l’aventure. Après avoir séché quelques années, l’arbre est débité en trois parties: deux pour la colonne d’air et une pour le pavillon. Chacune est coupée en deux, puis évidée. Le polissage terminé, les moitiés sont collées. Le tube est cerclé d’éclisses de jonc. Le cor est alors prêt à résonner au-delà des montagnes!
Adresse: François Morisod, route du Village-Suisse 18, 1892 Lavey-Morcles, 024 485 37 70. www.cor-des-alpes.ch.
14. Le jardin Schusselé: Un doux parfum de roses
Chaque printemps, Viviane Schusselé-Klarer attend avec impatience la première éclosion: «Fidèle au rendez-vous, le Stanwell Perpetual est un rosier pour lequel j’ai une tendresse particulière, malgré son port dégingandé et peu attractif, avec son délicieux parfum de rose ancienne.» Dans sa roseraie digne des plus opulents châteaux britanniques, où elle cultive 316 variétés, un doux parfum caresse les narines. L’hybride de thé Margaret Merril est doté d’une puissante senteur épicée nuancée d’un arôme citronné. Célèbre pour exhaler le plus somptueux de tous les parfums de rose, le Bourbon Madame Isaac Pereire révèle des touches de pêche et de cassis. La roseraie abrite aussi de nombreuses fleurs hybrides de l’Anglais David Austin, dont sa première création, la Constance Spry, aux notes de myrrhe.
Si elle n’avait droit qu’à trois rosiers, Viviane prendrait la Stanwell Perpetual, la Rose de Rescht, d’une couleur rose vif qui tire sur le magenta, et surtout la Madame Alfred Carrière, invention française de 1879 d’une couleur blanche parfois teintée de rose. «Tout est parfait, la beauté de sa fleur carnée, son divin parfum aux fragrances de pamplemousse, de litchi, de mangue et de cassis», s’émerveille-t-elle. Ce rosier exceptionnel se trouve sur la liste de l’Old Rose Hall of Fame, qui regroupe dix rosiers reconnus d’importance historique sélectionnés par la Fédération mondiale des sociétés de roses. En 1908, il fut élu meilleur rosier grimpant blanc par la vénérable Société royale britannique des roses.
Adresse: Viviane Schusselé-Klarer, chemin des Arnoux 8, 1867 Ollon, 024 499 22 92. www.jardinschussele.ch.
15. Le Creux d’Enfer: Abri des fées
En observant la cime des arbres, on devine l’enfoncement du terrain. Curiosité géologique, le Creux d’Enfer est bien dissimulé dans la forêt Sainte-Marie. Lorsqu’on y pénètre au printemps, une forte odeur emplit les narines: l’ail des ours prolifère. Est-ce le sol glissant ou ces effluves enivrants qui rendent la démarche maladroite? Pour qui veut descendre au fond, il faudra faire preuve d’adresse. Marcher autour de cette gigantesque doline de plus de 150 m de diamètre permet de s’en rendre compte. L’accès le moins pentu est à l’ouest. Laborieuse, la descente d’une centaine de mètres est l’unique façon de sentir vraiment l’âme du lieu. Depuis le fond, en levant la tête, le ciel apparaît dans la trouée laissée béante par les arbres qui ceinturent l’abîme.
Au pied de la falaise de gypse, une mystérieuse cavité attire l’œil. Peu profonde, elle servit de refuge durant l’âge du bronze. En 1987, des archéologues y retrouvèrent les traces d’un foyer, de tessons de céramique et de quelques os d’origine animale. Les traditions orales colportées au Moyen Age en firent une légende. L’abri sous roche est devenu la grotte aux fées. On racontait d’ailleurs qu’autrefois de jeunes femmes de la région rendaient visite aux fées dans leur grotte. Bienveillantes, celles-ci leur offraient des feuilles et des branchages en guise de remerciement. Une ingrate, ne voyant pas l’utilité de ce cadeau, jeta le tout sur le chemin du retour. La voix d’une fée résonna: «Plus tu en perdras, moins tu en auras.» C’est alors que la jeune fille trouva dans les plis de son tablier l’unique feuille qui lui restait, qui se changea en louis d’or par enchantement. La cueillette d’ail des ours, lors de la remontée, est beaucoup plus sûre que l’hypothétique cadeau des fées. Elle assurera de délicieux pestos et agrémentera bon nombre de plats. Mais ne le crions pas trop fort, les fées pourraient nous entendre.
Adresse: 1867 Panex. Accès: A pied, suivre la route de Salins (10 min). www.villars-diablerets.ch.
16. Le village des insectes: Un formidable geste pour la biodiversité
Dans le charmant village de Panex, entouré de prairies et de vergers, vivent environ 160 âmes, mais les Panossis ne sont pas les seuls à apprécier la sérénité des lieux. Sur de nombreuses façades se trouvent des hôtels à insectes très fréquentés. Proportionnellement, c’est sans doute un des villages de la région les plus denses en résidences pour abeilles sauvages, guêpes solitaires, bourdons à queue blanche, ou encore coccinelles, carabes et perce-oreilles. Le mérite revient en partie à Werner Heizmann, charpentier-menuisier à la retraite, qui en construit une centaine par année. L’histoire débute par la demande d’une de ses voisines. Les hôtels à insectes industriels sont en rupture de stock. Il propose alors de lui en faire un. Il se met à observer les insectes qui trouvent refuge dans ses abris. Les habitants changent en fonction de la saison. Sa marque de fabrique est une ossature découpée dans un rondin surmonté de tavillons.
L’intérieur peut contenir roseaux, tiges de bambou, bois percés ou encore pots de fleurs en terre cuite remplis de paille. Les roseaux, il les cueille au bord des rivières, les nettoie, les vide: «Les insectes veulent des tubes propres. Il ne faut pas d’esquilles, car ils risqueraient de se blesser», explique Werner. Ses créations permettent aux insectes de se protéger du froid et de se reproduire en toute tranquillité. En retour, ils offrent quelque chose de précieux: leur présence dans les jardins. Certains débarrassent des ravageurs ou repoussent les parasites. D’autres contribuent à la pollinisation. Les accueillir chez soi est un formidable geste pour la biodiversité.
Adresse: Werner Heizmann, chemin du Pomey-Rouge 8, 1867 Panex, 024 499 32 51.
17. Le Musée suisse de l’orgue: Un lieu qui ne manque pas de souffle
Avant d’entrer dans le musée, on prend le temps d’admirer la majestueuse bâtisse qui l’abrite: une ancienne grange du XVe siècle, dernier vestige du relais de Roche. Celui-ci jalonnait la route pour accéder à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, étape majeure de la Via Francigena. Les pèlerins y étaient accueillis par les chanoines pour se restaurer et dormir avant de poursuivre leur périple en direction du col. C’est par les portes voûtées de part et d’autre de l’édifice que les diligences et les chars à bestiaux s’engageaient dans le remarquable édifice soutenu par une charpente massive du XVIIIe siècle. En pénétrant dans la grange, on laisse derrière soi l’image des chanoines et des pèlerins pour se retrouver dans une autre ambiance: celle de l’orgue, le roi des instruments. L’atmosphère elle-même est une invitation à un voyage pédagogique.
Pour notre visite, nous avons été accueillis par Dominique et Alexandre, deux des quatre passionnés, avec Myriam et Edmond. Lorsque Alexandre s’assied à la console de l’ancien orgue de la RSR, les milliers de tuyaux emplissent le lieu de leurs sonorités. Dominique, de son côté, présente une réplique d’un orgue réalisé en 246 av. J.-C. à Alexandrie. Les tuyaux sont animés grâce à un ingénieux système à eau. Pour conclure, Alexandre, l’œil pétillant, actionne un magnifique orgue de Barbarie construit par les frères Bruder en 1918 à Waldkirch, en Allemagne. On est transporté dans l’univers féerique d’une fête foraine ou d’un parc d’attractions du début du XXe siècle. Entrer dans le musée, c’est ouvrir une malle aux trésors enchanteresse.
Adresse: Rue du Saint-Bernard 5, 1852 Roche, 021 960 46 58. www.orgue.ch.
18. La Videmanette en Cimgo: Le plaisir sans limites
Capdenho, c’est «le handicap vu d’en haut». En haut, c’est la Videmanette. Plusieurs Cimgo s’apprêtent à dévaler la pente. Ce sont des hybrides à quatre roues, entre VTT et kart. La première descente de la saison est l’occasion pour les pilotes de tester le parcours. Confortablement installé dans un siège-baquet, Robin, la mascotte de l’association, est un habitué. Assis dans un mountain cart, Olivier, son père, est dans les starting-blocks. Laurent, le formateur des pilotes, s’engage depuis plus de trente ans dans le domaine du handicap: «Le Cimgo permet à toutes les personnes avec des difficultés physiques, motrices, mentales ou sensorielles de vivre une merveilleuse expérience jusque-là inaccessible.» Père d’un enfant polyhandicapé, aujourd’hui décédé, il a mis toute son énergie pour offrir la possibilité aux personnes en situation de handicap de participer à des activités sportives. On palpite à la vue du pierrier escarpé qui marquera le début de cette folle aventure. Eduard, le pilote debout à l’arrière, calé dans des étriers offrant des appuis stables, tient en main le guidon inclinable qui permet de diriger les roues avant et rassure: «Ça passe partout!» S’installe alors une complicité entre le pilote et son passager. La pente s’adoucit. Le Cimgo ralentit et se faufile entre des vaches curieuses. Sur un chemin gravillonné, l’engin prend de la vitesse, enchaîne les virages et s’engage dans un parcours de cross au cœur de la forêt.
Adresse: La Videmanette, Rougemont, 077 501 91 49. www.capdenho.ch.
19. La bataille de Tréchadèze: Un alpage maculé de sang
Au milieu d’une épaisse forêt non loin du précipice creusé par le torrent de Culan, l’alpage de Tréchadèze se situe à 1400 m. Aujourd’hui, seul l’un des sept chalets d’origine trône sur le replat et semble observer inlassablement les sommets du Scex Rouge et de la Tête aux Chamois.
Lieu intermédiaire du «système de remuage», les agriculteurs y faisaient paître leur bétail fin mai, début juin, avant de gagner les alpages pour la période estivale. Les vaches y retournaient ensuite jusqu’aux premières neiges, avant de rejoindre le village. Témoin vivant de la vie paysanne, Tréchadèze est aussi le témoin silencieux du sang qui, le 5 mars 1798, a maculé son manteau de neige. Après la ratification de la déclaration d’indépendance du Pays de Vaud – jusqu’alors sous domination bernoise – le 24 janvier 1798, un vent de révolution souffle. Des arbres, symboles de liberté, sont plantés sur les places. Les Ormonans, fidèles aux Bernois, refusent de céder. Après avoir rassemblé des vivres, des vêtements, des armes, la colonne franco-vaudoise, 700 hommes, commandée par Forneret, quitte Bex. Forcés de passer la nuit dans le hameau de Taveyanne, ils brûlent un chalet pour se réchauffer. A l’aube, ils franchissent le col de la Croix. Après une descente pénible, le jour se lève sur Tréchadèze. Dissimulés dans la forêt, 200 Ormonans sous les ordres des lieutenants Moillen, Culand, Pernet et Pichard font feu. Le combat fait rage. Forneret, blessé, décède le lendemain à Gryon. Ses hommes décident de se replier, abandonnant les morts sur place. Les deux camps ignorent que les Bernois ont capitulé devant les troupes françaises à la bataille de Grauholz. Malgré cette victoire, les Ormonans déposent les armes face à la colonne de Chastel partie d’Aigle.
Adresse: Route du Col de la Croix, Les Diablerets. www.vd3209.ch.
20. Les yaks des petits lacs: Petit troupeau, grand dépaysement
Les cloches tintinnabulent gaiement au lieu-dit Vers les Lacs, au-dessus des Mosses. Quelle joyeuse surprise de découvrir, au cours de cette randonnée vers le célèbre lac Lioson ou – pour les plus sportifs – vers le Pic Chaussy, un troupeau de yaks qui broutent paisiblement. Uniques dans les Alpes vaudoises, les yaks de Fanny et Sébastien Henchoz, des éleveurs passionnés et inventifs de La Comballaz, ravissent les amateurs de voyages. Des Alpes à l’Himalaya, il n’y a parfois qu’un sabot.
Parmi la dizaine de bêtes, les veaux attirent inévitablement le regard: pelucheux et maladroits, en plein éveil, ils ne s’éloignent guère de leur mère. Les femelles (appelées dris) patientent, nourrissent, surveillent et éduquent leurs petits. Les mâles, indifférents, scrutent, ruent et chahutent. L’observation de cet apaisant tumulte occupe une bonne demi-heure. Juste le temps de laisser se détendre les muscles, mis à rude épreuve par la montée depuis le lieu-dit Lioson d’en Bas. La Buvette des Petits Lacs, blottie dans l’imposant cirque du Pic Chaussy, accueille les randonneurs. Assis à la terrasse de cet ancien chalet d’alpage, on prête l’oreille au sifflement des marmottes, on scrute les bouquetins qui escaladent habilement les parois rocheuses, on se laisse attendrir par les chiens de berger qui arpentent les pâturages et veillent sur les troupeaux. Gâteau aux orties, fondue aux fleurs et tarte au feu de bois maison régaleront petits et grands. De là, on poursuit sur le sentier en direction de la «perle des lacs alpestres». Rhododendrons, lys martagon, raiponces sauvages accompagnent le marcheur par-delà le col de la Chenau jusqu’à un splendide belvédère qui surplombe le lac bleu émeraude du Lioson.
Adresse: Vers les Lacs, 1862 Les Mosses. Accès: A pied, suivre Lioson d’en Bas, puis Vers les Lacs (1 h 30). www.aigle-leysin-lesmosses.ch.
21. Les gorges de l’Hongrin: Un Aqualand naturel pour débutants
Pour explorer les gorges de l’Hongrin, il faut se jeter à l’eau. Vêtu d’une combinaison en néoprène de préférence. L’eau qui s’écoule depuis le lac Lioson est glacée. Equipé d’un baudrier et d’un casque, on suit le cours de la rivière avant de s’aventurer dans des gorges sauvages. «C’est un superbe canyon ludique et varié!» s’exclame Guillaume Rubin, guide de montagne, mais aussi de canyoning. Ce sport d’eau vive en pleine nature s’apparente à la randonnée, à l’escalade et à l’alpinisme. Adapté aux débutants et aux enfants dès 12 ans, il consiste à évoluer dans le lit d’un cours d’eau, le long de gorges profondes. La progression s’effectue à pied, à la nage également. Le parcours comporte des cascades de hauteurs variées que l’on franchit en sautant dans des vasques d’eau tourbillonnante, en glissant comme sur un toboggan ou en descendant en rappel. A la sortie des gorges, on grimpe dans la forêt pour regagner la route qui mène au barrage de l’Hongrin. Si l’on prend goût à ce sport, Guillaume accompagne des groupes à la découverte de plusieurs canyons qui présentent différents niveaux de difficulté. Ils sauront ravir les plus prudents comme les plus aventureux.
Adresse: Route de l’Hongrin, 1660 La Lécherette. Guillaume Rubin, 079 373 68 33. On peut aussi s’adonner au canyoning dans le canyon de l’Eau Froide à Roche (difficile). Montée d’adrénaline garantie avec un saut pendulaire à plus de 100 m au-dessus des gorges du Pissot. www.guideconcept.ch.
22. Vestiges de Vuargny: A vos risques et périls
«Que va nous réserver le fond de la vallée?» se demande-t-on en descendant le chemin forestier qui mène à la Grande Eau. On s’imagine que les murs en pierres sont ceux d’un ancien monastère. Pourtant, ce sont les restes d’une usine hydroélectrique désaffectée. Quelques pans de murs subsistent. Une façade avec quatre fenêtres, une autre plus loin, avec une porte au-dessus de laquelle des arbres ont poussé: la nature a repris ses droits. Le 25 septembre 1912, la Feuille d’avis du district d’Aigle titre «Lugubre découverte». Un pêcheur découvre à proximité du cours d’eau les restes d’un squelette.
Le 15 septembre 1924, la Feuille d’avis de Vevey annonce une «mort mystérieuse». Un chasseur tombe sur le cadavre d’un militaire fribourgeois dans la rivière, près de l’usine. Bien qu’aucune autre découverte macabre n’y ait été signalée depuis un siècle, ouvrez l’œil. Lorsque l’on se promène parmi les décombres, il faut se méfier des trous dissimulés par les cailloux et la mousse. Ils aboutissent dans une longue galerie souterraine qui abritait les canalisations de la machinerie et dont la sortie voûtée se situe en aval.
L’usine de Vuargny est la première construite sur la Grande Eau. En janvier 1896, La Tribune de Lausanne explique que si les travaux sont «poussés rondement», l’usine pourrait ouvrir en mai et que «l’éclairage s’en ira en première ligne à Leysin, où les hôtels en sont encore réduits à s’éclairer au pétrole». Vuargny aura une courte vie. En 1904, la Société romande d’électricité la remplace par la nouvelle centrale des Farettes, afin d’utiliser les eaux du palier inférieur, et par celle du pont de la Tine, pour exploiter le palier supérieur dès 1914. Ces usines sont aujourd’hui encore actives.
Adresse: Vuargny, 1860 Aigle. Accès: Suivre Le Sépey, avant la galerie couverte, se garer sur la place, puis redescendre 300 m à pied le long de la route et prendre le chemin forestier (40 min aller-retour).