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100 ans d’horlogerie: de l’utile à la signature de style

En l’espace d’un siècle, l’horlogerie aura traversé de multiples révolutions, tant sociales que technologiques. Quelques crises aussi. A quoi ressemblaient les garde-temps en 1921? Comment ont-ils évolué? Si la montre n’est aujourd’hui plus essentielle pour avoir l’heure à portée de main, elle n’a jamais cessé de s’ancrer dans les besoins de son époque.

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montres de style

Sean Connery (à gauche) alias James Bond, choisit la Submariner 6538 de Rolex dans de nombreux films. Dans l’histoire de la conquête spatiale, l’astronaute américain Buzz Aldrin (à droite) partage l’affiche avec la Speedmaster d’Omega. Au centre de haut en bas, Vacheron Constantin (modèle American 1921), Cartier (modèle Tank), Audemars Piguet (modèle Royal Oak).

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«Auriez-vous l’heure, s’il vous plaît?» Et l’aimable personne interpellée dans la rue de dégainer son téléphone mobile pour vous renseigner. Si vous n’aviez oublié de porter votre montre, vous auriez tout aussi bien pu jeter un œil à l’écran digital de l’arrêt de bus situé à quelques mètres de là. Nous sommes en 2021 et l’heure s’affiche absolument partout, dans la voiture, sur le four de la cuisine, dans l’ascenseur ou sur l’écran d’un ordinateur. Alors quid de l’horlogerie, ce fleuron du savoir-faire helvétique qui continue de jouer des coudes pour cadencer la course du temps à une époque où sa fonction première semble être passée de l’essentiel à l’accessoire? Bijou mécanique pour certains, objet tendance ou signe extérieur de statut social pour d’autres, en un siècle, la montre a traversé plusieurs révolutions, tant sociales que technologiques. Et qu’on la considère comme utile ou futile, une chose est sûre: elle n’a jamais perdu son âme.

Les montres déjantées des Années folles. Retour en 1921, aux prémices des Années folles. Comment portait-on la montre à l’époque? Plutôt dans la poche, pour les hommes. Généralement au poignet, pour les femmes, qui ont été les premières à adopter la montre-bracelet, dont les premiers modèles ont timidement fait leur apparition au tournant du siècle. Au début des années 1920, la montre s’impose comme un objet précieux et utile qui permet de s’affranchir de la consultation de l’heure sur l’horloge de l’église ou le beffroi municipal. On l’achète généralement pour toute une vie, on la choisit avec grand soin, généralement sur catalogue, les manufactures horlogères étant à l’époque encore bien loin d’imaginer développer leurs créations sous la forme de collections.

Les progrès réalisés par les horlogers dans la miniaturisation des mouvements mécaniques ouvrent de nouvelles perspectives et les autorisent à toutes sortes de folies stylistiques. Sous l’influence des courants Art déco et Art nouveau, la montre emprunte des silhouettes de formes très variées. Le rectangle et le losange rivalisent avec l’ovale, le carré ou la forme coussin, toujours dans de très petits diamètres. Des bijoux? Presque! Mais bel et bien mécaniques et fonctionnels, à l’instar de la Reverso de Jaeger-LeCoultre, la Tank de Cartier ou la Calatrava de Patek Philippe créées à cette époque et qui auront allègrement traversé les générations pour s’imposer aujourd’hui encore comme des classiques indémodables de l’horlogerie.

Si la montre de poche occupe à l’époque une place prédominante dans l’offre des manufactures, la Première Guerre mondiale ne tarde pas à changer la donne. Au poignet des soldats, la montre-bracelet se virilise et adopte certains attributs spécialement pensés pour un usage en extérieur, tels que des chiffres luminescents pour lire l’heure dans la pénombre ou des grilles de protection pour empêcher le verre de se casser. La voici plus robuste, parée pour résister à toutes les situations et suffisamment précise pour chronométrer les événements sportifs qui suscitent un nouvel engouement. L’étanchéité de son boîtier, nécessaire pour protéger le mécanisme de l’eau et de la poussière, commence également à se généraliser depuis que le fondateur de Rolex, Hans Wilsdorf, a fait breveter en 1926 son fameux boîtier baptisé Oyster en référence à une huître capable «de vivre dans l’eau dans un temps illimité sans subir aucun dommage dans son organisme».
 

Une montre pour l’aventure. Prête à s’emparer de tous les poignets, l’horlogerie part à l’aventure et ne tarde pas à conquérir le monde. Entre les années 1930 et les années 1950, la montre se mue en un instrument indispensable qui accompagne les plongeurs professionnels, les militaires ou les ingénieurs. Les standards de robustesse prennent leur envol. On attend d’une montre qu’elle résiste à l’eau et aux champs magnétiques, au froid et aux chocs, qu’elle soit lisible en toutes circonstances, même dans les conditions les plus extrêmes. En 1952, Breitling s’impose auprès des pilotes du monde entier en dévoilant son modèle Navitimer équipé d’une règle à calcul circulaire permettant de réaliser une vingtaine d’opérations utiles à la navigation aérienne.

En 1953, Rolex explore les profondeurs abyssales avec sa Submariner, la première montre-bracelet étanche à 100 mètres, battant de justesse l’étanchéité assurée par la Fifty Fathoms présentée la même année par Blancpain et immortalisée un peu plus tard au poignet du commandant Jacques-Yves Cousteau dans le film Le monde du silence. En 1957, c’est au tour d’Omega de se distinguer en mettant au point une trilogie de montres-outils, dont la célèbre Speedmaster qui, en 1969, goûtera à la poussière lunaire au poignet de Buzz Aldrin. Et le client lambda dans tout ça? Il adopte ces modèles au look sportif tout autant que les montres classiques, faciles à porter au quotidien et à glisser sous la manche d’une chemise. A l’époque, le diamètre standard d’une montre avoisine les 35 mm, bien loin des 40-42 mm que l’on porte plus volontiers aujourd’hui.

Dans la course à la performance, les horlogers enchaînent les progrès techniques. Au fil des années 1960, la montre accompagne les coureurs automobiles sur les circuits les plus réputés du monde. D’autant plus à partir de 1969 avec l’invention du premier chronographe à remontage automatique de l’histoire présenté quasi simultanément par Zenith avec le modèle El Primero, du nom de son mouvement mécanique, et TAG Heuer avec la montre Carrera. Les horlogers jubilent sans se douter que la décennie suivante compterait parmi les pires de leur longue histoire.

Avec la crise du quartz, l’horlogerie traditionnelle aura perdu quelques plumes mais donné naissance à quelques montres incontournables. En 1972, d’après une esquisse du génial designer horloger Gérald Genta, Audemars Piguet lance la Royal Oak, qui propulsera la manufacture du Brassus sur un chemin pavé d’or. Quatre ans plus tard, le même designer signera le dessin de la Nautilus de Patek Philippe. Un incontournable!

Un savoir-faire en pleine forme. Après quelques années difficiles, l’horlogerie traditionnelle est revenue sur le devant de la scène au tournant du siècle dernier avec des démonstrations décoiffantes de son savoir-faire technique, des métiers d’art en ribambelle et de nouveaux matériaux hyper-high-tech. Son nouveau mantra? Tradition et innovation! Tourbillons en pagaille, quantièmes perpétuels à foison, montres à sonnerie, mouvements squelettés offrant une vue dégagée sur les rouages horlogers, le tout dans des diamètres XXL habillés de nouveaux matériaux, tels la céramique ou le carbone. De quoi permettre à quelques marques indépendantes au design disruptif de prendre leur envol avec succès, telles que Richard Mille, Urwerk ou MB&F. Un esprit d’avant-garde qui flirte aujourd’hui avec le grand retour au classicisme horloger. A l’heure où la cote des garde-temps vintage ne cesse de grimper, les amateurs de montres seraient-ils un peu nostalgiques de l’époque où la montre était encore indispensable pour porter l’heure sur soi?

Par Marie de Pimodan publié le 16 septembre 2021 - 08:56